États d’âmes

La vérité est ailleurs

La vérité est ailleurs

 

J’aimerais ne pas avoir peur de la mort ! Donc pour me rassurer, je m’accroche à tout ce que je peux en me disant qu’elle n’est pas si horrible que ça, voire que je pourrai y échapper.

Si les études le disent…

Une récente étude de l’INSEE nous a informés que l’espérance de vie diminuait pour la première fois en Europe en 2016. Par ailleurs, il semblerait aussi que les couples vivent plus longtemps que les gens seuls. Je ne suis pas en couple ! De plus, je travaille de nuit depuis très longtemps.

  • Je suis donc soumise à plus de risques de cancers que la moyenne du fait :
  • Du manque de l’exposition à la lumière naturelle et donc de la moindre sécrétion de mélatonine.
  • De mon déséquilibre alimentaire promesse d’obésité, diabète et hypertension…
  • De mon décalage de sommeil qui causerait des perturbations des cycles biologiques…

J’ai donc toutes les raisons d’avoir peur de la mort car statistiquement, j’y serai confrontée un peu plus tôt que la moyenne des gens. D’ailleurs, il n’y a pas un jour qui passe sans que ce sujet de la mort soit présent dans mon esprit.

Puisque l’on ne sait rien, pourquoi s’affoler ?

Mais il y a une question à laquelle je n’ai jamais eu de réponse : Pourquoi avons-nous particulièrement peur de cet inconnu-là dont on ne sait rien ?

La mort comme le suggère Épicure n’est rien pour nous car vivants, nous n’en avons pas fait l’expérience et que morts, nous ne sommes plus là pour en témoigner [1]. Alors, qu’en sait-on de si dramatique qu’il faille l’éviter à tout prix ? Pourquoi et comment un jour elle s’est imposée à nous comme étant à craindre ?

Soyons clairs : je ne dénie pas la peur de la souffrance physique qu’on peut avoir avant la mort. Mon propos se situe au niveau de notre rejet de mourir parce que dans l’inconscient collectif la mort serait quelque chose de négatif.

Je me suis toujours demandé sur quoi nous nous basons pour pleurer un mort au lieu de l’envier. Je constate juste qu’on est dans une société qui trouve la mort intolérable, ce qui pousse certains à recourir à diverses solutions pour soulager leur angoisse ( la religion, la méditation, la philosophie ou des pratiques plus ou moins loufoques ).

Parmi ces pratiques, il y en a une qui a retenu mon attention et qui connaît un grand succès à Séoul. Vivre son enterrement en avance [2 ]. Ce sont des gens qui font l’expérience d’assister à leur propre mort. Ils sont enfermés dans un cercueil après tout un cérémonial de simulation d’adieu et d’explication sur des circonstances imaginées de leur mort. Le but, assister à leur mise en terre de manière factice et en ressortir plus rassuré sur leur propre connaissance ou appréhension d’eux-mêmes, voire affronter leurs peurs ou (paradoxalement), reprendre goût à la vie.

Pour ma part, j’ai choisi une perspective qui me semble un peu plus rassurante. Celle de penser que dormir serait un apprentissage progressif de mourir.

Je dors donc je meurs.

le flou

Je ne connais personne qui ait peur de dormir. (Même si je suis consciente que ça doit exister chez les enfants qui font des cauchemars). Pourtant on passe environ un quart de l’existence à dormir donc à suspendre sa vie. Pendant le laps de temps du sommeil, on ne se soucie de rien. On fait l’expérience de quelque chose chaque nuit, sans être effrayé alors que ce qui nous attend dans le sommeil nous est inconnu avant qu’on y soit. D’une seconde à l’autre, on est aspiré, on s’oublie et on se réveille des minutes voire heures après, de la même manière qu’on s’était évaporé, sans avoir rien eu à gérer.

Alors j’imagine qu’on est en répétition de la mort à chaque fois qu’on s’endort. D’ailleurs, comme on dit souvent aux enfants “il dort” pour parler des personnes mortes, je me rassure en pensant que dormir c’est mourir un peu.

De la mort, je veux me dire qu’il n’y a aucun passage vers l’inconnu mais qu’il y aura un passage vers une nouvelle histoire similaire à celle que je vis tous les soirs en dormant.
Je propose qu’on l’aborde en toute sérénité, sans préjugés à l’égard des choses qui nous attendent après car je ne n’ai encore vu personne qui soit revenu pour dire que c’était angoissant.

J’aimerais qu’on nous pousse à l’accepter comme quelque chose de bien, de la même manière qu’on accepte sans angoisse qu’il fasse jour et nuit.

J’aimerais que le jour du décès de quelqu’un, une fête soit célébrée, qu’on boive, chante, danse et qu’on se dise qu’il a peut-être de la chance de mourir parce que ce qui l’attend pourrait être enviable. Pas parce que la vie serait détestable, mais juste dans un but éducatif pour ne pas ancrer la mort dans cette chose si morbide.

Enfin, je me raccroche à l’idée que la science sera là pour résoudre bon nombre de nos problèmes.

Les dieux sont là pour nous protéger.

En effet, tout se met en oeuvre pour repousser la mort en augmentant l’Homme ou en promettant des techniques qui pourraient un jour le ressusciter.

Humain augmenté :

Aujourd’hui, l’Homme est de plus en plus réparé. Et tant mieux. On a entendu parler dernièrement de la réalisation de l’œil bionique qui permet aux personnes malvoyantes ou aveugles de pouvoir voir. Récemment l’actualité a mis en avant l’implantation de capteurs qui aident des personnes tétraplégiques à remarcher.

Le but de la science de contrer l’immortalité va encore plus loin. Il ne s’agit plus seulement de réparer l’humain « handicapé », mais d’augmenter celui qui est en bonne santé. Nos corps sont alors dotés de force supérieure à la norme, ce qu’on appelle également l’anthropotechnie. Parce que l’humain aura atteint ses limites, il passera le relais à la technologie pour continuer à survivre.

L’intelligence artificielle (I.A) :

Parallèlement à ça, tout un courant est développé par le Trans humanisme et soutenu par des grands groupes technologiques. La recherche scientifique qui souhaite changer notre monde est persuadée d’une chose : A la crainte que l’IA ne surpasse le cerveau biologique succède peu à peu le sentiment que les machines s’introduisent inéluctablement dans notre environnement immédiat et que leur puissance n’est que le prolongement de nos propres facultés.[3]

Microsoft a présenté récemment DuoSkin : un tatouage éphémère servant d’interface homme/ machine et contenant des données exploitables par diverses des applications.

En mai 2016, AlphaGo le programme d’intelligence artificielle de Google crée la surprise en battant un champion reconnu du jeu de go.

Le “brain emulation” quant à lui recouvre les technologies qui promettent de créer des répliques vivantes et autonomes de nos cerveaux, ou du moins, ce que l’on en partage en vivant.

Tout porte à croire que bientôt les êtres humains auront des capacités physiques hors normes. L’intelligence émotionnelle s’inscrit désormais comme un axe de développement majeur et les études tendent vers le fait de doter les robots de sensibilité et ressenti.

Cryogénisation :

En marge de toutes ces avancées, il existe des expériences outre-manche, avec des gens qui misent sur la possibilité de revenir après la mort.

Ils font confiance à une technique : la cryogénisation, car ils espèrent qu’un jour la science permettra de les ressusciter, soit par la méthode de vitrification ou celle de la cryoconservation biologique, déjà testée sur les animaux.

J’ignore si finalement tout ça est plus rassurant ou pas.

Ce qui me paraît par contre très probable, c’est que moi, je ne serai plus là pour bénéficier de ces prouesses (voire promesses) technologiques.

Qui vivra verra.

Vilédé GNANVO

Autres sources :

[1] Se confronter à sa propre fin. Question de philosophie du 1er juin 2016 . P 42–45 .
[2] Aujourd’hui je vais à on propre enterrement. Doan Bui. Télé Obs du 25 aout 2016. P 66–68
[3]Révolution quantique (3/5):L’arme fatale de l’informatique future. Michel de Pracontal. Médiapart du 3 août 2016.

Bas les masques

Bas les masques

Sous un pseudo…

Du masque ancestral au pseudonyme ou avatar virtuel, quel est le visage le mieux adapté pour s’exprimer dans un contexte où toute prise de parole peut être sujette à mauvaise interprétation ?

Les événements dramatiques qui ont eu lieu en France ces derniers mois, ont remis une fois de plus sur le tapis la question des identités cachées ou anonymats sur le net.

Parallèlement et de manière toute récente (juin 2016), le musée du quai Branly a été rebaptisé musée du quai Branly-Jacques Chirac. Pour représenter l’exposition qui est alors consacrée à l’ancien président de la République, féru et passionné d’arts premiers – dont africains -, rien de tel qu’un masque (masque en bois de l’époque d’Edo datant de la fin du XVIIIe et représentant le démon Obeshimi dans le théâtre Nô), sosie quasi parfait de son image maintes fois vue à la télé aux guignols de l’info.

La symbolique est forte, la ressemblance saisissante. Forte car de cet homme d’Etat mal aimé pendant les dernières années de sa présidentielle, on retient surtout aujourd’hui l’image de quelqu’un de cultivé qui attire toute la sympathie que reflète l’affiche de ce masque.

Pourquoi parler d’un ancien président français dans ce contexte précis ? Parce que le rôle du masque est divers et qu’à travers lui, on peut raconter l’histoire qu’on veut révéler ou non, ce qu’on a choisi de valoriser dans l’identité d’une personne.
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Masque Gèlède - Bénin

Autrefois, et encore aujourd’hui dans de nombreux pays africains, les masques étaient utilisés pour des raisons religieuses, mystiques ou philosophiques. Relais entre le monde des morts et la réalité des vivants, c’est aussi à travers eux qu’on peut aller à la quête de soi, en nouant un dialogue avec ses ancêtres ou les dieux que l’on cherche à approcher. Ce qu’ils véhiculent, c’est la notion du retour aux valeurs fondatrices de chacun d’entre nous. Ils sont des médiateurs, des objets de transition qui nous permettent d’endosser le rôle qui est le nôtre au sein de communautés ayant établi des règles à forte valeur sociale. Ils sont l’affirmation de l’attachement à ses origines et à ses cultures. Ils « permettent d’assurer la cohésion et la hiérarchie sociales, le respect des lois coutumières et la répression des comportements non admis dans un groupe » . Ils peuvent aussi servir à se divertir, à se défouler mais surtout à déconstruire la hiérarchie sociale telle qu’elle est instituée, chacun rentrant dans la peau de ce qu’il n’est pas en réalité. Cette fois-ci, c’est du côté du carnaval de Venise qui se tient chaque année qu’il faut se pencher. Car à l’origine « Pendant cette période, chacun vaquait à ses occupations masqué et pouvait critiquer et se moquer ouvertement des autorités et de l’aristocratie  » .

Du réel au virtuel

avatar afro

Si d’une manière générale toute cette symbolique religieuse ou ethnographique des masques s’est atténuée, (sauf par exemple dans des sociétés secrètes comme au Bénin où toute leur valeur et référence aux cultes et à l’animisme perdurent), on assiste encore à un besoin de prise de parole de personnes qui arborent un costume de scène qui n’est rien d’autre qu’un avatar ou un pseudonyme pour rentrer dans un nouveau corps, dans lequel il est plus libre de se raconter. Cette fois-ci, cela se passe dans un monde plus virtuel qui est celui d’Internet et des réseaux sociaux.

Rappelons rapidement l’origine des deux termes évoqués : l’avatar ou le pseudonyme.

Avatar : Dans « l’hindouisme, c’est une incarnation (sous forme d’animaux, d’humains, etc.) d’un dieu, venu sur terre pour rétablir le dharma, sauver les mondes du désordre cosmique engendré par les ennemis des dieux (les démons) » . L’avatar aujourd’hui, n’est rien d’autre qu’un masque virtuel.

Pseudonyme : Sur le plan étymologique, le pseudonyme est composé de pseudēs (trompé) et de ὄνυμα, onuma (nom) . Il fait donc clairement référence au mensonge, à la chose ou à la personne fausse. Mais son choix peut se faire pour maintes raisons car on lui donne souvent un sens qui fait échos à de nombreux éléments de sa propre personnalité. Le pseudonyme généralement choisi avec soin est donc souvent revêtu d’une histoire personnelle. Il peut être révélateur d’un état d’esprit voire d’une identité quand bien même celle-ci resterait virtuelle.

Masque

Du côté du réel comme du virtuel, une même question demeure, quelle que soit la forme que revêt cette envie de s’exprimer ou d’apparaître sous couvert. Comment expliquer ce besoin de se masquer si la dimension mystique ou religieuse a perdu de sa valeur ?

Si on se réfère une autre définition du masque dans le Larousse, on note qu’il est également « l’objet dont on se couvre le visage ou une partie du visage pour se protéger ». Le fait de s’afficher « caché » n’a donc pas forcément pour but de dissimuler quelque chose mais peut être guidé par la volonté de :

  • Libérer sa parole sans peur, la diversifier et porter des casquettes différentes.
  • Se confronter à soi-même car l’anonymat peut se révéler être un excellent indicateur de qui on est, de ce qu’on vaut… ou pas.
  • Se protéger des autres et ce faisant, protéger surtout les proches.

Derrière le masque

i am

Car il peut être nécessaire de rester à l’écart de toutes les attaques et les incidences que des prises de positions peuvent avoir sur une vie professionnelle ou personnelle. On a beau être dans un pays démocratique où la liberté d’expression est respectée, rien ne pourra délégitimer la nécessité dans certaines situations de taire son identité afin de faire évoluer le bon fonctionnement d’une cause.

De nombreux lanceurs d’alerte en ont fait les frais et si les journalistes sont aussi attachés au principe de la protection des sources ( donc le respect de l’anonymat ), ce n’est pas par simple souci de corporatisme. Leurs vies peuvent se retrouver en danger, des affaires juridiques peuvent être entravées quant à leur aboutissement.

En effet, ils sont bien réels les risques et les problèmes que soulève l’anonymat sur internet.
Maintes fois objet de controverse, l’anonymat est aussi une autoroute sur laquelle s’insèrent toutes les formes de défouloir haineux, les faits les plus crapuleux en partant des délits financiers jusqu’aux crimes les plus odieux. Le rôle des « trolls » ou les « haters », ces personnes anonymes qui sévissent sur le net et dont la spécialité est d’insulter sans états d’âme ni retenue leur cible, vient remettre en lumière les limites de la liberté d’expression et questionner sur les mesures à mettre en place pour garder un équilibre raisonnable.

La haine et les actions d’intimidation que ces internautes répandent sur certains réseaux sociaux poussent même à se demander par quel moyen faire sortir de l’ombre ces identités qui n’ont cure des drames qu’elles provoquent autour d’elles. Parce que, bien cachées derrière leurs masques ou leurs pseudonymes, la violence de leurs agissements n’en est que plus exacerbée.

Pourtant, dans le choix d’un pseudo, se manifeste une part de qui l’ont est, une volonté de proposer la face de soi qu’on veut mettre en avant ou taire. Il nous permet juste, le temps de notre présence en ligne de s’affranchir de contraintes et normes sociétales pour mieux laisser libre court à notre pensée. À travers un pseudonyme, on met en marche la construction d’une image de soi. Et il arrive que dans ce processus, l’image et la réalité de celui qu’on est finissent par ne former qu’une, même si souvent elles ne font qu’avancer ensemble en se regardant en chien de faïence.

Inconsciemment ou pas, le pseudo peut être le reflet d’un trait de personnalité. Ce fut le cas de celui j’avais gardé un temps : e-Lionne

Pourquoi ce pseudo ?

Lionne

1- D’abord à cause d’un mot, un qualificatif qui m’était adressé quelques fois: « Féline ». Tiens donc…

Est-ce un qualificatif lié aux origines africaines, révélateur d’un ensemble de stéréotypes inconscients qui persistent chez les gens? Après tout, le félin vit dans la brousse, et dans beaucoup d’imaginaires, les Africains viennent de la brousse. Dans ce cas et d’une certaine manière, cela résumerait les stigmates qui restent de la pensée postcoloniale que certains Européens ont gardé des femmes « exotiques ». C’est l’image très sexuelle du volcan qui couve chez une femme asiatique pourtant d’apparence extérieure très froide ou celle dévalorisante de l’animalité encore présente chez la femme africaine. Si l’Africaine en apparence est séduisante et sensuelle, au fond, elle resterait une bête dont la sexualité fantasmée continue d’être objet de fascination ou de jalousie. Le lien établi depuis la période médiévale entre l’exotisme et la bestialité a du mal à s’effacer .[1]

Dans d’autres cas, on peut voir simplement dans ce qualificatif un compliment pour honorer une force de caractère qu’on met en avant.

2- Ensuite parce qu’ en prenant du recul, j’ai trouvé intéressante la coïncidence de ce qualificatif avec mon signe astrologique (Lion). Finalement, il me définit un peu même si je n’ai l’âme ni d’une chasseuse ni d’une prédatrice. Je ne masque pas mon jeu. Je ne suis pas cet animal capable de dissimuler pour mieux sauter sur sa proie.

Devinez-moi

Moi coté pile ©No Fake In My News

Et sous le pseudonyme d’e-Lionne, il y avait seulement l’identité d’une femme inconditionnellement forgée par deux cultures et attachée à ce qui de là-bas lui a permis d’être ici et aujourd’hui qui elle est. Elle refuse de choisir. Son identité s’est construite avec deux univers chevillés au corps ce qui fait qu’elle ne se sentira plus jamais une seule des deux nationalités.

Contrairement à ce que certains aiment véhiculer, sa nationalité française n’est pas un masque lui servant à dissimuler sous celle de ses origines, quelque chose de malfaisant dont il faut se méfier. Bien au contraire, son souhait, c’est de se fondre dans la masse, en étant une anonyme bienveillante comme la grande majorité des gens, et que soit masquée définitivement l’expression « minorité visible ».

Au fait, il parait que l’une des deux identités astrales [2] de la France serait Lion ! Mais là c’est encore un autre débat qui nous mènerait dans un univers qui ne me parle que peu car, même en tant que femme issue de la région du monde où est né le Vaudou (Bénin) mon intérêt pour l’ésotérisme, les astres et tout cet univers mystique est très minime.

Vilédé GNANVO

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