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AKAA 2018 explore les axes Sud/Sud

AKAA 2018 explore les axes Sud/Sud

La troisième édition de la désormais installée foire AKAA (Also Known As africa) ouvrira ses portes au grand public dans quelques heures et durera jusqu’au 11 novembre au Carreau du Temple à Paris.

L’occasion une fois de plus de découvrir l’éclectisme d’une production artistique, à travers la seule foire d’envergure en France qui regroupe en un seul lieu tous les types d’expressions contemporaines (sculpture, peinture, photographie, installation, performance et design) d’artistes africains, ou ayant comme dénominateur commun de revendiquer un lien à l’Afrique.

Le lien comme fil conducteur de cette édition.

La foire place l’Afrique au centre. D’où la satisfaction de constater que les interactions qui se font autour des artistes de ce continent élargissent le périmètre d’intérêt au fur et à mesure que les éditions se succèdent.

Dans l’extension de ce qu’on a pu voir l’an passé, AKAA 2018 « accueille 49 exposants, avec des nouveaux venus du Portugal, d’Italie, d’Afrique du Sud ou du Maroc … Cuba, de France, des États-Unis, de Corée du Sud, de l’Île Maurice et du Moyen-Orient  »  [1] . 135 artistes issus de 40 pays (Afrique – Amérique Latine – Amérique du Nord – Asie – Europe) voient leur travail représenté sur les stands des galeries. L’idée est de créer une caisse de résonance d’une Afrique en dialogue avec d’autres régions du Sud.

Les exposants une fois de plus guideront les regards des visiteurs sur des artistes dont les influences sont au-delà de leur seul environnement géographique. De leurs échanges issus de contextes différents ont surgi des réalisations d’autant plus riches que parfois la recherche des racines aura été source d’inspiration.

A l’image de la quête d’origine qui se retrouve dans l’installation monumentale réalisée par de l’artiste cubaine Susana Pilar et conçue spécialement pour l’édition d’AKAA 2018. On peut l’admirer dans la nef centrale du Carreau du Temple. Dans les œuvres de sa série « Lo que contaba la abuela… » (Ce que mamie racontait…) qui composent l’installation, l’artiste révèle précisément l’histoire de sa famille et notamment ses racines sino-africaines. À travers le parcours de ses ancêtres femmes, elle construit une enquête et fouille dans son passé à la recherche de son ancêtre (masculin) arrivé à Cuba à la fin du XIXe siècle.

Une partie de l'installation de la série « Lo que contaba la abuela… » réalisée par l'artiste Susana Pilar - AKAA 2018 - ©No Fake In my News

Plus tourné vers l’avenir, il y a le travail du photographe Alun Be , non représenté en galerie mais  accueilli dans le cadre de AKAA Underground (le laboratoire de pratiques et de pensées artistiques …). Avec sa série « Edification  » , il questionne les notions de lien et héritage :

  • Le passage de l’enfance à l’âge adulte
  • Le passage des rituels ancrés dans les sociétés traditionnelles à un futur numérique inévitable

Dans les deux cas, la photo envisage la nécessité de la transmission. Et si l’impact des nouvelles technologies sur nos sociétés s’invite ainsi dans le débat c’est qu’il pose questions. Entre symboles traditionnels et casque de réalité virtuelle, heureux qui aujourd’hui pourra déterminer quelle empreinte marquera le langage universel de demain.

Enlightened Play de la serie Edification - Par l'artiste Alun Be - AKAA 2018 - ©No Fake In my News

Connexions Sud Global

Ce qui semble certain, c’est que le moyen le plus sûr de « rassurer le futur » reste dans la volonté de s’ouvrir à l’autre et d’échanger. C’est la démarche dans laquelle s’inscrivent déjà des galeries comme la Galerie Vallois qui met en lumière un dialogue entre les artistes béninois et cubains qu’elle représente, deux pays qui ont en commun l’héritage mémoriel de l’esclavage. C’est aussi l’ambition que se fixe la programmation culturelle de la foire, avec comme champ d’exploration les passerelles qui existent  entre divers artistes du sud, des Amériques à l’Asie en passant par le Moyen-Orient.
 
Via Les Rencontres AKAA, chaque intervenant participera de sa réflexion sur les partages des pratiques artistiques, le développement des savoir-faire et sur les initiatives qui portent l’art africain bien au-delà de ses frontières. L’état de l’art de l’Africain en pleine extension sera parcouru tout autant que ses perspectives d’avenir.
 
La conférence Pinceaux de lumière se penchera sur l’impact des programmes de résidences croisées d’artistes et en quoi ils participent de la valorisation des relations Sud/Sud et favorisent des rapports Nord/Sud plus horizontaux.
 
La table ronde What is blackness  aura pour thème de réfléchir à la signification du concept de « Blackness » aujourd’hui, comme esthétique ou expérience particulière, mise en lumière par un retour sur l’histoire des mouvements artistiques et politiques noirs et de leurs évolutions.
 
La rencontre Si je perds le Nord, puis-je encore trouver mon Sud ? portera sur la possibilité de se saisir du domaine artistique en tant qu’outil pouvant permettre de se soustraire de la cartographie créée par l’Europe de l’Ouest au XVIe siècle, et qui a divisé l’humanité entre ceux qui comptent et ceux qui ne comptent pas.
Autant de sujets qui font écho aux événements qui se produisent dans le monde, comme par exemple ces deux faits marquants de l’actualité cette semaine en France.
 
  • Le 4 novembre 2018, le référendum qui a eu lieu en Nouvelle Calédonie voit les partisans du non à l’indépendance l’emporter à 56,7 %. La victoire n’est pas écrasante, forçant ainsi les protagonistes des différents camps à une nouvelle phase de dialogue [2] et [3].
  • Cent ans après l’armistice de 1918, un monument rendant hommage à l’Armée noire a été inauguré le mardi 6 novembre à Reims, une façon d’honorer la mémoire et les origines de combattants des anciens pays colonisés [4].
Si je mentionne ces exemples, c’est parce que la création artistique s’imprègne toujours des questions d’actualité,  politiques ou sociétales. Ces thématiques de mémoire ou d’origines en font partie. Et qu’elles soient douloureuses pour certain ou salutaires pour d’autres, elles ne sont jamais vaines à interroger. Bien au contraire, elles rendent légitimes les débats sur ces connexions et ces dialogues du Sud Global, qui nous éclairent sur la société d’aujourd’hui et invitent à repenser la carte du monde. [5]
 
On comprend donc qu’en 2018 la diversité des liens qui unissent l’Afrique aux autres régions du monde  [6] soit mise en lumière par AKAA, foire qui permet de tisser des liens entre acteurs et amoureux de l’art.

Vilédé GNANVO

Pour plus d’informations : 

AKAA Du 09/11/2018 au 11/11/2018 au Carreau du temple; 4 rue Eugène Spuller ; 75003 – Paris France

 
Horaires
Vendredi : 12h-19h30
Samedi : 12h-21h
Dimanche : 12h-19h
AKAA 2017: reflet de la créativité artistique d’Afrique

AKAA 2017: reflet de la créativité artistique d’Afrique

Il y a presqu’un mois, l’art africain était de  nouveau célébré au cœur de Paris. Et l’événement qui a mis un projecteur sur la scène artistique contemporaine d’Afrique c’est AKAA , autrement dit Also Known As Africa, foire fondée et dirigée par Victoria Mann . AKAA  peut se définir comme une foire inclusive dont l’objectif réside dans l’échange de perspectives avec et pour l’Afrique, autour de la diversité de sa création.

Le rendez-vous qui en est à sa deuxième édition s’est déroulé du 10 au 12 novembre 2017, dans un lieu marqué par une dimension culturelle très forte : le Carreau du Temple dont la seule évocation est un gage de succès. Cet événement mêlant professionnels, amateurs et collectionneurs d’art africain a réuni des spécificités de 150 artistes venus de 28 pays différents. Outre les stands d’exposition des galeries, on pouvait aussi assister à des rencontres et débats mis en place par la directrice de la programmation culturelle Salimata Diop , avec des artistes dont le travail s’articule autour de la thématique de guérison.

Je n’ai pas connu la première édition de la foire. Mais après le printemps parisien dédié à l’art africain que j’évoquais dans mon article  L’ Afrique au Waximum , c’était là une nouvelle occasion pour découvrir une gamme encore plus variée d’expression artistique contemporaine. L’état d’esprit des 60 artistes présents (composés autant d’habitués que de nouveaux talents invités par des galeries) était propice au partage. Ils ont su tisser des liens avec le public venu voir leurs œuvres. Tout le monde s’est accordé sur le fait que cette foire était pleine de fraîcheur, avec une simplicité et un dynamisme assez peu fréquents dans de pareils salons.

Il faut dire que l’effervescence autour de la création contemporaine africaine est de plus en plus palpable dans le réseau mondial de l’art. Et tout ce qui contribue de près ou de loin à sa visibilité est salutaire à bien de niveaux . En ce sens AKAA 2017 a vu juste en s’inscrivant dans la volonté de favoriser la rencontre avec un public français et une diaspora africaine qui est de plus en plus apte à s’impliquer comme acheteurs. Ceci même en plein débat sur les initiatives menées de part et d’autres du continent africain  (par exemple le  Bénin) pour la restitution des biens culturels pillés ou déplacés de force par d’anciennes puissances coloniales. La pérennisation et la réussite d’un tel événement pourront consolider une fois pour toutes l’art africain encore perçu par certains en France comme un effet de mode, alors même qu’il a depuis longtemps séduit le continent asiatique.

La scénographie soignée mise en avant par les galeries invitait indéniablement à s’attarder sur les stands d’exposition. Quant à la valeur marchande des œuvres des jeunes artistes, elle reste abordable . Comme le souligne Victoria Mann [1]  « À AKAA, la majorité des œuvres vendues se trouvent dans une fourchette de 4 000 à 6 000 euros ».

Ces trois jours m’ont laissé voir les inspirations et la pluralité d’une scène artistique qui témoigne de la vitalité d’un continent, loin des seuls indicateurs économiques focalisés sur le PIB. Je retrouve dans les œuvres créées le fil conducteur d’une Afrique qui évolue sans cesse sur les plans culturels, démographiques, démocratiques et  économiques.

Les peintures satiriques de Zemba Luzamba ,  JP Mika ou encore  Amani Bodo  dressent les portraits des pouvoirs sociaux et politiques ayant une incidence sur les peuples du continent.

Alexis Peskine avec dans son œuvre « Le radeau de la Méduse » livre une lecture sur la réalité de la politique migratoire, avec des protagonistes prêts à tout pour embarquer vers des terres inconnues, des aventures insoupçonnées et parfois hostiles. Dans la même lignée, j’échange avec  Freddy Tsimba sur sa sculpture  « Centre fermé, rêve ouvert » , entièrement faite d’objets de récupération (de sac plastique, d’acier et de cuillères soudées)  et directement inspirée d’une expérience vécue lors d’un passage (de manière légale)  à une frontière européenne.

Centre fermé, rêve ouvert de Freddy Tsimba - scupture et instalation avec de la récupération de cuillères

Avec les représentations des guerriers bantous ou les portraits d’individus décontextualisés de l’artiste contemporain et urbain Kouka , nous renouons avec l’histoire culturelle africaine et sa manière de s’accommoder des restes de la colonisation, visibles dans les traces laissées par les flux migratoires.

Oeuvre de Kouka Ntadi

 

À titre encore plus personnel, trois autres points m’ont marquée

1- L’hommage rendu au sculpteur Ousmane Sow qui a beaucoup fait pour l’art de la jeunesse africaine. À cette occasion, Lilian Thuram a livré un récit sur sa rencontre avec l’artiste et la Ville de Paris a annoncé sa décision de commander une œuvre majeure de l’artiste.

Lilian Thuram évoque en présence de Béatrice Soulé  sa rencontre avec Ousmane Sow

Sculptures réalisées par Ousman Sow

2- Le témoignage Joana Choumali qui essaie de panser les plaies post-attentat de  Grand-Bassam en mars 2016, via ses photographies brodées. Ce travail qu’elle a appelé « Ca va aller » s’inscrit largement dans une pratique liée à un processus de guérison et pose la question de comment surmonter les chocs traumatiques de cette ampleur. « L’œuvre d’art est un pansement psychologique car on y cherche toujours quelque chose pour nous apaiser. C’est une manière de se soigner » dira-t-elle lors des échanges.

3- L’exposition des créations de plusieurs artistes Béninois parmi lesquels Dominique Zinkpè , Marius Dansou , Remy Samuz  de la Galerie Vallois , engagée depuis longtemps dans la mise en avant des talents de cette partie du monde. Mais d’autres oeuvres des artistes  Romuald Hazoumè,   Pélagie Gbaguidi ou  Emo de Medeiros  étaient également visibles à la foire.

Tous ces exemples choisis ne sont qu’une partie de ce qui était représenté. Mais cette partie-là a remporté ma totale adhésion. Bien évidemment, lors des rencontres, plusieurs débats se sont invités dans les discussions. La question de la potentielle  ghettoïsation de ce genre d’événement centré sur l’Afrique a été évoquée. Il en ressort que :

–     l’art africain pour se fondre dans l’art tout court, doit s’affirmer, se réapproprier ses propres codes culturels et héritages afin de se défaire du cliché « ethnographique » qui le définit trop souvent.

–    sans ce genre d’événement, la visibilité des artistes africains reste faible ici, tant sur le « Où » que sur le « Quand ». Or faire un focus sur eux est une manière de donner des exemples positifs, d’offrir des références auxquelles les Africains peuvent fièrement s’identifier.

– cela fait partie d’un ensemble  d’outils mis à disposition pour que les artistes témoignent de leur richesse culturelle  et aussi de leur génie plastique.

Sans titre de Omar Mahfoudi
Les fruits de Korotoumou de Méderic Turay

Je terminerai en disant que le pari d’AKAA de rendre pérenne ce rendez-vous et de l‘ancrer dans une place à forte valeur culturelle est plus que légitime. Cette année encore, environ 15 000 visiteurs ont marqué leur intérêt à la foire. Et des 38 galeristes qui ont participé à l’événement, beaucoup ont déjà confirmé leur présence pour l’édition 2 018.

 

Dans ce sens, AKAA a su occuper un espace nécessaire, en proposant cet agenda au cœur de la capitale française.

Vilédé GNANVO

Sources
www.akaafair.com
[1] Art contemporain africain : 2017, année charnière ?

Quand l’artiste Yao Metsoko nous embarque sur ses Zems

Quand l’artiste Yao Metsoko nous embarque sur ses Zems

 

Depuis le 6 novembre, l’artiste Yao Metsoko présente son solo show Zémidjan à la Galerie Carole Kvasnevski, avec une série de toiles réalisées spécialement pour l’agence.

Dès l’annonce de cette exposition, la Béninoise que je suis a voulu saisir cette occasion de traverser à distance les rues de Cotonou en 2 roues. Me voilà donc au vernissage le samedi 11 novembre pour voir le travail présenté par l’artiste, mais également pour une immersion dans l’ambiance du pays.

C’est dans un décor chaleureux et en présence d’autres artistes africains comme William Sagna , Euloge Ahanhanzo Glèlè ou encore Richard Afanou Korblah que j’ai apprécié l’univers sensuel, coloré et ludique de l’artiste.

Yao Metsoko - ©No Fake In My News

Yao Metsoko est un artiste franco togolais. Très tôt il est encouragé par sa mère à dessiner. Il consolide ensuite sa pratique en peinture et en sculpture par des formations tant à Londres qu’à Paris où il vit actuellement. Son travail oscille entre tradition et modernité avec des références aux symboles ayant marqué son enfance et ses voyages.

En présentant ces toiles, il montre avec humour le quotidien des Togolais, usagers d’un moyen de transport qui a d’abord émergé au Bénin dans les années quatre-vingt-dix : Le Zémidjan ( expression de la langue FON du Bénin qu’on peu traduire par « emmène-moi vite » ou encore « prends-moi brusquement »). Et quiconque ayant été dans l’un des deux pays a dû faire l’expérience de ces taxis moto devenus incontournables pour se déplacer dans tous les recoins des villes. Également appelés Zem, leur succès a depuis franchi les frontières bien au-delà de ces deux pays.

À travers cette exposition, l’auteur met également l‘accent sur l’une des thématiques phares et récurrentes dans ces œuvres : son amour pour la féminité. Les décors quasi inexistants, uniformes ou en gris contrastent avec les couleurs vives des formes généreuses et galbées des femmes à l’arrière des motos.

Oeuvre de Yao Metsoko
Oeuvre de Yao Metsoko

Toute la vie sociale semble se dérouler sur les deux roues, avec ce que cela contient comme situation absurde. Le mouvement reflète le dynamisme de cette société. La nature imposante des engins représentés par l’artiste semble montrer la place prépondérante qu’occupe ce mode de transport dont se sert une majorité de la population.

En représentant un taxi mobile, capable d’aller partout dans des villes embouteillées et en peu de temps, c’est aussi la réalité d’une classe sociale qu’on observe, voyageant sur ces 2 roues. On y transporte des familles entières, du mobilier et même quelque chose d’aussi peu probable que des poules. Situations cocasses pour certains, dangereuses pour d’autres, les difficultés surmontées peuvent être symbolisées par la taille des volailles qui débordent, ou par les personnages littéralement écrasés sous le poids des charges transportées.

Oeuvre de Yao Metsoko
Oeuvre de Yao Metsoko
Oeuvre de Yao Metsoko

Rien n’échappe donc au regard de l’artiste sur le tragique des situations. Il y critique de manière subtile le fait que l’insolite des « zems » n’occulte en rien les dangers liés à la sécurité routière. Cette réalité peut transparaître dans le choix des couleurs. Un phare par ci éclaire sur la faible distance entre la moto et le camion. Une ligne jaune apparaît comme celle à ne pas franchir pour éviter la mort à une famille entière dont les membres roulent sans caque de protection. Toutes ces scènes se déroulent sous les « regards » alerte des lumières de la ville.

Oeuvre de Yao Metsoko
Oeuvre de Yao Metsoko

Je ressors de cette expo la tête remplie de questionnements sur la pollution de l’essence frelatée qui alimente ces zems. Je commence à cogiter sur les infrastructures routières en place là-bas pour accueillir tous ces engins… De passage au Bénin en 2016, j’ai fait partie de ces nombreuses personnes à avoir posté des images « insolites » de Zémidjan.

Zemidjan chargé - Bénin ©No Fake In My News

À cette époque-là, il n’y avait aucune place pour des analyses de situation. Tout juste la légèreté de quelqu’un qui vient de se recharger en vitamines du bercail.

Avec les œuvres de Yao Metsoko, forcément les interrogations reviennent. Je réalise en quoi son travail m’a touchée :

  • Il réunit en un seul endroit toute la beauté et le danger d’une même situation, qui prennent d’autres proportions quand on est loin du pays.
  • Il me remet en mémoire des aspects du Bénin que j’aime tellement : le mouvement, la débrouillardise et la vitalité des habitants.

Et de toute cette ambiance qui se dégage des toiles, de la chaleur qui en émane, je me sens envahie par un désir de prendre un billet d’avion sur-le-champ, pour échapper aux longs mois d’hiver qui se profilent…

Vilédé GNANVO

Informations pratiques :

Pour en savoir plus sur l’artiste : Yao Metsoko

L’exposition est en cours jusqu’au 30 novembre 2017 à la Galerie Carole Kvasnevski
39 Rue Dautancourt
75017 PARIS
Téléphone : +33 6 50 589 496

L’Afrique au Waximum

L’Afrique au Waximum

Le 18 mars 2017 dernier, le magazine hebdomadaire Télérama titrait « L’avenir de l’art est en Afrique » avec tout un dossier très intéressant consacré à ladite thématique. Nul besoin d’attendre l’avenir pour constater que le printemps africain s’illustre déjà à travers trois angles qui ont trouvé des échos dans l’actualité.

 

  1. Tendance.
  2. Technologies et business.
  3. Culture.
Déco séjour wax - par l'artiste Hassan Hajjaj - ©No Fake In My News

Tendance : Cela fait de nombreuses années que le chic de l’Afrique se rappelle à nous dès le printemps par des petites touches de tissus wax ou motifs africains qu’on retrouve dans les collections d’été. Des émissions de télévision axées sur le relooking ont mis en exergue des boutiques spécialisées dans l’ « ethnique » jusque-là restées confidentielles et fréquentées par amoureux des couleurs de ce continent.

Dorénavant, le wax se décline un peu partout. Les modèles des créateurs Wax Going On ou encore Maison Château Rouge côtoient sans complexe les marques Jymmy Choo ou Paul & Joe dans les sélections de look des magazines féminins qui dictent les tendances à suivre. Outre la sphère vestimentaire, le wax c’est la déco et le style. Le design des meubles s’en inspire. Le site d’e-commerce Wax ‘n Deco ne s’y est pas trompé et propose toute une gamme de linges de maison, linges de tables ou accessoires divers. Pas de doute, l’Afrique c’est chic, l’Afrique c’est « IN ». Et cette tendance gagne tout le secteur économique.

 

Technologie et business : De nombreux acteurs économiques misent sur le terrain novateur de l’Afrique pour propulser leurs activités ou les consolider. D’après des experts comme Gilles Babinet co-fondateur d’Africa 4 tech, l’Afrique est le lieu où il est incontournable d’investir en matière d’innovation. 

Station Vampire de Rigobert Nii - ©No Fake In My News

Selon l’édition 2016 des perspectives économiques, elle « confirme sa deuxième place dans l’économie mondiale pour la rapidité de sa croissance, derrière les pays d’Asie émergents, et plusieurs pays africains se placent en haut du classement « 

Ce continent pourrait représenter une source d’investissement non négligeable car il comptera 25% de la population mondiale à échéance de 2050. Dans un contexte où les enjeux de transformation numérique constituent un sujet de réflexion prégnant ( ubérisation de l’économie oblige ), ils représentent en Afrique une belle manne que le monde de la Tech ne peut ignorer. Cela se mesure à l’attrait pour la mise en place événements sectorisés comme Africa Tech Now prévu en janvier 2018 ou encore Afrobytes qui aura lieu les 8 et 9 juin 2017 .

Et les résultats de ce nouveau regard orienté vers ce continent sont palpables. Qui aurait imaginé que le lancement de Pokemon Go se ferait dans 31 pays africains en octobre dernier ? Peu de gens car on ignore souvent que l’Afrique peut être pionnière dans certains usages liés aux télécoms [ alors même qu’il manque encore de l’eau potable ou de l’électricité dans beaucoup de régions ] . L’essor du digital et particulièrement du m-paiement constituent une niche économique. « Le classement économique du mobile money présentée par l’experte anglaise Alix Murphy fin 2014 montrait d’ailleurs en n°1 ….l’Afrique subsaharienne et en queue de peloton … l’Europe ».

Ce n’est pas pour rien qu’il y a eu le récent positionnement de l’opérateur Orange, très impliqué dans le développement du numérique en Afrique via notamment son système d’appli mobile Orange Money [1] . En investissant ainsi, l’opérateur trouve un terrain d’expansion probable sur le continent.

Le 21 avril 2017, la société Funsoft ( société de jeux vidéo basée au Maroc et dont les créateurs s’inspirent du patrimoine culturel africain ) a lancé le premier gaming mobile africain appelé Rangi pour le casque de réalité virtuelle Gear VR. Bien sûr pour le moment, l’industrie du jeu mobile est uniquement concentrée en Afrique du Sud et au Nigeria, mais le mouvement est lancé.

La classe moyenne émergente est très demandeuse de ses nouvelles appli facilitatrices des démarches au quotidien, pragmatiques et adaptées aux usages. La jeunesse constitue une promesse d’émergence pour des acteurs économiques assoiffés de nouveaux territoires de business. FinTech, Agritech et Villes intelligentes sont donc des axes d’innovation bien en ligne de mire. Les annonceurs commencent à s’intéresser à ce continent pour promouvoir leurs marques. Récemment, la grande enseigne suédoise Ikea a annoncé sa collaboration avec la plateforme en ligne dédiée à la créativité africaine Design Indaba pour créer la première ligne d’Ikea entièrement africaine.

Dans ces conditions, l’Afrique ne représente plus uniquement des pauvres enfants mourant de faim ou des réfugiés essayant par tous les moyens de rejoindre l’Europe au risque de leurs vies dans des traversées dangereuses. Par contre, elle concentre les paradoxes du continent le plus riche en termes de ressources naturelles, le plus dynamique par sa population jeune mais aussi le plus désœuvré pour son « développement » économique.

Tous ces antagonismes sont révélateurs des frétillements autour de ce continent et se retrouvent au cœur des événements culturels qui se déroulent en ce moment à Paris.

 

A Hero’s Journey de Lavar Munroe - ©No Fake In My News

Culture : Partout, l’art issu de la création africaine est très exposé ce printemps à Paris. Ce secteur fait émerger des artistes contemporains africains dont la visibilité est plus grande que dans le passé. Ils attirent de plus en plus de collectionneurs des quatre coins de la planète. Plusieurs d’entre eux étaient représentés à Art Fair Paris 2017 et qui se tient chaque année au Grand Palais. Je n’y étais pas. 

Par contre, je peux témoigner de la richesse de ce que j’ai vu dans deux expositions à la Villette à Paris et à la Fondation Louis Vuitton. Une scène artistique africaine forte, éclectique et très émouvante.

L’exposition Art / Afrique , le Nouvel atelier de la Fondation Vuitton s’articule autour de trois univers :

  • « Les initiés : un choix d’œuvres de la collection privée de Jean Pigozzi ». Le collectionneur nous offre ici un magnifique choix d’œuvres de sa collection d’art contemporain. Je trouve juste un peu dommage que de son propre aveu [2], il ne s’intéresse pas spécialement au continent des artistes dont il collectionne les œuvres. Mais cela n’enlève rien à la richesse de son catalogue.
  • « Etre là. Afrique du sud, une scène contemporaine » présentant des artistes issus de 3 générations : avant pendant et après l’apartheid, témoins des bouleversements qui secouent encore leur société .
  • Une sélection d’œuvres de la Collection de la Fondation Vuitton, reflets des nombreux enjeux de ce continent.

Le résultat final est bluffant car on passe de la sublimation de la récupération par le célèbre artiste béninois Romuald Hamouzé maître dans le « Recycl’Art» [3], à l’ambiance très colorée et enjouée de l’artiste MOKE.

Kin Oye Oye de Moke - ©No Fake In My News

Et le point d’orgue se situe probablement dans le récit qu’on peut avoir en filigrane d’une histoire de l’Afrique du Sud dont les séquelles de l’apartheid restent omniprésentes avec des blessures non pansées. Les contradictions de cette société sont toujours là, les états d’âmes de chacun nous arrachent des larmes . Ci dessous, une oeuvre de l’artiste Jane Alexander.

Infantry with beast de Jane Alexander - ©No Fake In My News

Le festival 100% Afriques à la Villette met en avant un ensemble événements culturels (art, musique, design) ainsi que l’exposition Afriques Capitales qui va jusqu’au 28 mai 2017. La création y est présentée sous forme d’une grande métropole qu’on est invité à découvrir. On y retrouve une nouvelle fois une oeuvre de l’artiste sud-africain William Kentridge à travers une vidéo.

More sweetly play the dance de William Kentridge - ©No Fake In My News

Le franco-béninois Emo de Medeiros nous invite à interagir par son installation « Points de résistances ».

"Points de résistance" de Emo de Medeiros - ©No Fake In My News

Pascale Marthine Tayou matérialise l’architecture par la suspension des maisons en hauteur et Alexis Peskine nous éblouit avec son magnifique tableau ci dessous.

Tableau d'Alexis Peskine - ©No Fake In My News

On ressort de là riche d’une grande variété d’univers. Mais il serait incomplet de finir cette parenthèse culturelle sans mentionner deux autres expositions actuellement en cours.

L’Afrique des routes au Musée du Quai Branly jusqu’au 12 novembre

Trésors de l’islam en Afrique, de Tombouctou à Zanzibar à l’Institut du Monde Arabe jusqu’au 30 juillet 2017.

Espérons que ces ouvertures économiques et le focus culturel ne se renferment pas aussitôt les évènements achevés et que dans dix ans, l’Afrique tienne sa promesse d’être le lieu de la matérialisation de tout ce qui est perçu aujourd’hui comme novateur.

Escalators - drapeaux pays africains - ©No Fake In My News

Vilédé GNANVO

Sources:

[1] En afrique, Orange ne fait pas que des télécoms ; Delphine Cunny et Pierre Manière ; : Tribune du 28/04/2017 ; p19
[2] Interview de Jean Pigozzi ; Valerie Duponchelle ; Le figaro du 28/04/2017 P34
[3] Le « Recycl’Art » consiste à produire des œuvres neuves avec des objets anciens, récupérés.

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