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AKAA 2018 explore les axes Sud/Sud

AKAA 2018 explore les axes Sud/Sud

La troisième édition de la désormais installée foire AKAA (Also Known As africa) ouvrira ses portes au grand public dans quelques heures et durera jusqu’au 11 novembre au Carreau du Temple à Paris.

L’occasion une fois de plus de découvrir l’éclectisme d’une production artistique, à travers la seule foire d’envergure en France qui regroupe en un seul lieu tous les types d’expressions contemporaines (sculpture, peinture, photographie, installation, performance et design) d’artistes africains, ou ayant comme dénominateur commun de revendiquer un lien à l’Afrique.

Le lien comme fil conducteur de cette édition.

La foire place l’Afrique au centre. D’où la satisfaction de constater que les interactions qui se font autour des artistes de ce continent élargissent le périmètre d’intérêt au fur et à mesure que les éditions se succèdent.

Dans l’extension de ce qu’on a pu voir l’an passé, AKAA 2018 « accueille 49 exposants, avec des nouveaux venus du Portugal, d’Italie, d’Afrique du Sud ou du Maroc … Cuba, de France, des États-Unis, de Corée du Sud, de l’Île Maurice et du Moyen-Orient  »  [1] . 135 artistes issus de 40 pays (Afrique – Amérique Latine – Amérique du Nord – Asie – Europe) voient leur travail représenté sur les stands des galeries. L’idée est de créer une caisse de résonance d’une Afrique en dialogue avec d’autres régions du Sud.

Les exposants une fois de plus guideront les regards des visiteurs sur des artistes dont les influences sont au-delà de leur seul environnement géographique. De leurs échanges issus de contextes différents ont surgi des réalisations d’autant plus riches que parfois la recherche des racines aura été source d’inspiration.

A l’image de la quête d’origine qui se retrouve dans l’installation monumentale réalisée par de l’artiste cubaine Susana Pilar et conçue spécialement pour l’édition d’AKAA 2018. On peut l’admirer dans la nef centrale du Carreau du Temple. Dans les œuvres de sa série « Lo que contaba la abuela… » (Ce que mamie racontait…) qui composent l’installation, l’artiste révèle précisément l’histoire de sa famille et notamment ses racines sino-africaines. À travers le parcours de ses ancêtres femmes, elle construit une enquête et fouille dans son passé à la recherche de son ancêtre (masculin) arrivé à Cuba à la fin du XIXe siècle.

Une partie de l'installation de la série « Lo que contaba la abuela… » réalisée par l'artiste Susana Pilar - AKAA 2018 - ©No Fake In my News

Plus tourné vers l’avenir, il y a le travail du photographe Alun Be , non représenté en galerie mais  accueilli dans le cadre de AKAA Underground (le laboratoire de pratiques et de pensées artistiques …). Avec sa série « Edification  » , il questionne les notions de lien et héritage :

  • Le passage de l’enfance à l’âge adulte
  • Le passage des rituels ancrés dans les sociétés traditionnelles à un futur numérique inévitable

Dans les deux cas, la photo envisage la nécessité de la transmission. Et si l’impact des nouvelles technologies sur nos sociétés s’invite ainsi dans le débat c’est qu’il pose questions. Entre symboles traditionnels et casque de réalité virtuelle, heureux qui aujourd’hui pourra déterminer quelle empreinte marquera le langage universel de demain.

Enlightened Play de la serie Edification - Par l'artiste Alun Be - AKAA 2018 - ©No Fake In my News

Connexions Sud Global

Ce qui semble certain, c’est que le moyen le plus sûr de « rassurer le futur » reste dans la volonté de s’ouvrir à l’autre et d’échanger. C’est la démarche dans laquelle s’inscrivent déjà des galeries comme la Galerie Vallois qui met en lumière un dialogue entre les artistes béninois et cubains qu’elle représente, deux pays qui ont en commun l’héritage mémoriel de l’esclavage. C’est aussi l’ambition que se fixe la programmation culturelle de la foire, avec comme champ d’exploration les passerelles qui existent  entre divers artistes du sud, des Amériques à l’Asie en passant par le Moyen-Orient.
 
Via Les Rencontres AKAA, chaque intervenant participera de sa réflexion sur les partages des pratiques artistiques, le développement des savoir-faire et sur les initiatives qui portent l’art africain bien au-delà de ses frontières. L’état de l’art de l’Africain en pleine extension sera parcouru tout autant que ses perspectives d’avenir.
 
La conférence Pinceaux de lumière se penchera sur l’impact des programmes de résidences croisées d’artistes et en quoi ils participent de la valorisation des relations Sud/Sud et favorisent des rapports Nord/Sud plus horizontaux.
 
La table ronde What is blackness  aura pour thème de réfléchir à la signification du concept de « Blackness » aujourd’hui, comme esthétique ou expérience particulière, mise en lumière par un retour sur l’histoire des mouvements artistiques et politiques noirs et de leurs évolutions.
 
La rencontre Si je perds le Nord, puis-je encore trouver mon Sud ? portera sur la possibilité de se saisir du domaine artistique en tant qu’outil pouvant permettre de se soustraire de la cartographie créée par l’Europe de l’Ouest au XVIe siècle, et qui a divisé l’humanité entre ceux qui comptent et ceux qui ne comptent pas.
Autant de sujets qui font écho aux événements qui se produisent dans le monde, comme par exemple ces deux faits marquants de l’actualité cette semaine en France.
 
  • Le 4 novembre 2018, le référendum qui a eu lieu en Nouvelle Calédonie voit les partisans du non à l’indépendance l’emporter à 56,7 %. La victoire n’est pas écrasante, forçant ainsi les protagonistes des différents camps à une nouvelle phase de dialogue [2] et [3].
  • Cent ans après l’armistice de 1918, un monument rendant hommage à l’Armée noire a été inauguré le mardi 6 novembre à Reims, une façon d’honorer la mémoire et les origines de combattants des anciens pays colonisés [4].
Si je mentionne ces exemples, c’est parce que la création artistique s’imprègne toujours des questions d’actualité,  politiques ou sociétales. Ces thématiques de mémoire ou d’origines en font partie. Et qu’elles soient douloureuses pour certain ou salutaires pour d’autres, elles ne sont jamais vaines à interroger. Bien au contraire, elles rendent légitimes les débats sur ces connexions et ces dialogues du Sud Global, qui nous éclairent sur la société d’aujourd’hui et invitent à repenser la carte du monde. [5]
 
On comprend donc qu’en 2018 la diversité des liens qui unissent l’Afrique aux autres régions du monde  [6] soit mise en lumière par AKAA, foire qui permet de tisser des liens entre acteurs et amoureux de l’art.

Vilédé GNANVO

Pour plus d’informations : 

AKAA Du 09/11/2018 au 11/11/2018 au Carreau du temple; 4 rue Eugène Spuller ; 75003 – Paris France

 
Horaires
Vendredi : 12h-19h30
Samedi : 12h-21h
Dimanche : 12h-19h
AKAA 2017: reflet de la créativité artistique d’Afrique

AKAA 2017: reflet de la créativité artistique d’Afrique

Il y a presqu’un mois, l’art africain était de  nouveau célébré au cœur de Paris. Et l’événement qui a mis un projecteur sur la scène artistique contemporaine d’Afrique c’est AKAA , autrement dit Also Known As Africa, foire fondée et dirigée par Victoria Mann . AKAA  peut se définir comme une foire inclusive dont l’objectif réside dans l’échange de perspectives avec et pour l’Afrique, autour de la diversité de sa création.

Le rendez-vous qui en est à sa deuxième édition s’est déroulé du 10 au 12 novembre 2017, dans un lieu marqué par une dimension culturelle très forte : le Carreau du Temple dont la seule évocation est un gage de succès. Cet événement mêlant professionnels, amateurs et collectionneurs d’art africain a réuni des spécificités de 150 artistes venus de 28 pays différents. Outre les stands d’exposition des galeries, on pouvait aussi assister à des rencontres et débats mis en place par la directrice de la programmation culturelle Salimata Diop , avec des artistes dont le travail s’articule autour de la thématique de guérison.

Je n’ai pas connu la première édition de la foire. Mais après le printemps parisien dédié à l’art africain que j’évoquais dans mon article  L’ Afrique au Waximum , c’était là une nouvelle occasion pour découvrir une gamme encore plus variée d’expression artistique contemporaine. L’état d’esprit des 60 artistes présents (composés autant d’habitués que de nouveaux talents invités par des galeries) était propice au partage. Ils ont su tisser des liens avec le public venu voir leurs œuvres. Tout le monde s’est accordé sur le fait que cette foire était pleine de fraîcheur, avec une simplicité et un dynamisme assez peu fréquents dans de pareils salons.

Il faut dire que l’effervescence autour de la création contemporaine africaine est de plus en plus palpable dans le réseau mondial de l’art. Et tout ce qui contribue de près ou de loin à sa visibilité est salutaire à bien de niveaux . En ce sens AKAA 2017 a vu juste en s’inscrivant dans la volonté de favoriser la rencontre avec un public français et une diaspora africaine qui est de plus en plus apte à s’impliquer comme acheteurs. Ceci même en plein débat sur les initiatives menées de part et d’autres du continent africain  (par exemple le  Bénin) pour la restitution des biens culturels pillés ou déplacés de force par d’anciennes puissances coloniales. La pérennisation et la réussite d’un tel événement pourront consolider une fois pour toutes l’art africain encore perçu par certains en France comme un effet de mode, alors même qu’il a depuis longtemps séduit le continent asiatique.

La scénographie soignée mise en avant par les galeries invitait indéniablement à s’attarder sur les stands d’exposition. Quant à la valeur marchande des œuvres des jeunes artistes, elle reste abordable . Comme le souligne Victoria Mann [1]  « À AKAA, la majorité des œuvres vendues se trouvent dans une fourchette de 4 000 à 6 000 euros ».

Ces trois jours m’ont laissé voir les inspirations et la pluralité d’une scène artistique qui témoigne de la vitalité d’un continent, loin des seuls indicateurs économiques focalisés sur le PIB. Je retrouve dans les œuvres créées le fil conducteur d’une Afrique qui évolue sans cesse sur les plans culturels, démographiques, démocratiques et  économiques.

Les peintures satiriques de Zemba Luzamba ,  JP Mika ou encore  Amani Bodo  dressent les portraits des pouvoirs sociaux et politiques ayant une incidence sur les peuples du continent.

Alexis Peskine avec dans son œuvre « Le radeau de la Méduse » livre une lecture sur la réalité de la politique migratoire, avec des protagonistes prêts à tout pour embarquer vers des terres inconnues, des aventures insoupçonnées et parfois hostiles. Dans la même lignée, j’échange avec  Freddy Tsimba sur sa sculpture  « Centre fermé, rêve ouvert » , entièrement faite d’objets de récupération (de sac plastique, d’acier et de cuillères soudées)  et directement inspirée d’une expérience vécue lors d’un passage (de manière légale)  à une frontière européenne.

Centre fermé, rêve ouvert de Freddy Tsimba - scupture et instalation avec de la récupération de cuillères

Avec les représentations des guerriers bantous ou les portraits d’individus décontextualisés de l’artiste contemporain et urbain Kouka , nous renouons avec l’histoire culturelle africaine et sa manière de s’accommoder des restes de la colonisation, visibles dans les traces laissées par les flux migratoires.

Oeuvre de Kouka Ntadi

 

À titre encore plus personnel, trois autres points m’ont marquée

1- L’hommage rendu au sculpteur Ousmane Sow qui a beaucoup fait pour l’art de la jeunesse africaine. À cette occasion, Lilian Thuram a livré un récit sur sa rencontre avec l’artiste et la Ville de Paris a annoncé sa décision de commander une œuvre majeure de l’artiste.

Lilian Thuram évoque en présence de Béatrice Soulé  sa rencontre avec Ousmane Sow

Sculptures réalisées par Ousman Sow

2- Le témoignage Joana Choumali qui essaie de panser les plaies post-attentat de  Grand-Bassam en mars 2016, via ses photographies brodées. Ce travail qu’elle a appelé « Ca va aller » s’inscrit largement dans une pratique liée à un processus de guérison et pose la question de comment surmonter les chocs traumatiques de cette ampleur. « L’œuvre d’art est un pansement psychologique car on y cherche toujours quelque chose pour nous apaiser. C’est une manière de se soigner » dira-t-elle lors des échanges.

3- L’exposition des créations de plusieurs artistes Béninois parmi lesquels Dominique Zinkpè , Marius Dansou , Remy Samuz  de la Galerie Vallois , engagée depuis longtemps dans la mise en avant des talents de cette partie du monde. Mais d’autres oeuvres des artistes  Romuald Hazoumè,   Pélagie Gbaguidi ou  Emo de Medeiros  étaient également visibles à la foire.

Tous ces exemples choisis ne sont qu’une partie de ce qui était représenté. Mais cette partie-là a remporté ma totale adhésion. Bien évidemment, lors des rencontres, plusieurs débats se sont invités dans les discussions. La question de la potentielle  ghettoïsation de ce genre d’événement centré sur l’Afrique a été évoquée. Il en ressort que :

–     l’art africain pour se fondre dans l’art tout court, doit s’affirmer, se réapproprier ses propres codes culturels et héritages afin de se défaire du cliché « ethnographique » qui le définit trop souvent.

–    sans ce genre d’événement, la visibilité des artistes africains reste faible ici, tant sur le « Où » que sur le « Quand ». Or faire un focus sur eux est une manière de donner des exemples positifs, d’offrir des références auxquelles les Africains peuvent fièrement s’identifier.

– cela fait partie d’un ensemble  d’outils mis à disposition pour que les artistes témoignent de leur richesse culturelle  et aussi de leur génie plastique.

Sans titre de Omar Mahfoudi
Les fruits de Korotoumou de Méderic Turay

Je terminerai en disant que le pari d’AKAA de rendre pérenne ce rendez-vous et de l‘ancrer dans une place à forte valeur culturelle est plus que légitime. Cette année encore, environ 15 000 visiteurs ont marqué leur intérêt à la foire. Et des 38 galeristes qui ont participé à l’événement, beaucoup ont déjà confirmé leur présence pour l’édition 2 018.

 

Dans ce sens, AKAA a su occuper un espace nécessaire, en proposant cet agenda au cœur de la capitale française.

Vilédé GNANVO

Sources
www.akaafair.com
[1] Art contemporain africain : 2017, année charnière ?

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