Quand l’artiste Yao Metsoko nous embarque sur ses Zems
Depuis le 6 novembre, l’artiste Yao Metsoko présente son solo show Zémidjan à la Galerie Carole Kvasnevski, avec une série de toiles réalisées spécialement pour l’agence.
Dès l’annonce de cette exposition, la Béninoise que je suis a voulu saisir cette occasion de traverser à distance les rues de Cotonou en 2 roues. Me voilà donc au vernissage le samedi 11 novembre pour voir le travail présenté par l’artiste, mais également pour une immersion dans l’ambiance du pays.
C’est dans un décor chaleureux et en présence d’autres artistes africains comme William Sagna , Euloge Ahanhanzo Glèlè ou encore Richard Afanou Korblah que j’ai apprécié l’univers sensuel, coloré et ludique de l’artiste.
Yao Metsoko est un artiste franco togolais. Très tôt il est encouragé par sa mère à dessiner. Il consolide ensuite sa pratique en peinture et en sculpture par des formations tant à Londres qu’à Paris où il vit actuellement. Son travail oscille entre tradition et modernité avec des références aux symboles ayant marqué son enfance et ses voyages.
En présentant ces toiles, il montre avec humour le quotidien des Togolais, usagers d’un moyen de transport qui a d’abord émergé au Bénin dans les années quatre-vingt-dix : Le Zémidjan ( expression de la langue FON du Bénin qu’on peu traduire par « emmène-moi vite » ou encore « prends-moi brusquement »). Et quiconque ayant été dans l’un des deux pays a dû faire l’expérience de ces taxis moto devenus incontournables pour se déplacer dans tous les recoins des villes. Également appelés Zem, leur succès a depuis franchi les frontières bien au-delà de ces deux pays.
À travers cette exposition, l’auteur met également l‘accent sur l’une des thématiques phares et récurrentes dans ces œuvres : son amour pour la féminité. Les décors quasi inexistants, uniformes ou en gris contrastent avec les couleurs vives des formes généreuses et galbées des femmes à l’arrière des motos.
Toute la vie sociale semble se dérouler sur les deux roues, avec ce que cela contient comme situation absurde. Le mouvement reflète le dynamisme de cette société. La nature imposante des engins représentés par l’artiste semble montrer la place prépondérante qu’occupe ce mode de transport dont se sert une majorité de la population.
En représentant un taxi mobile, capable d’aller partout dans des villes embouteillées et en peu de temps, c’est aussi la réalité d’une classe sociale qu’on observe, voyageant sur ces 2 roues. On y transporte des familles entières, du mobilier et même quelque chose d’aussi peu probable que des poules. Situations cocasses pour certains, dangereuses pour d’autres, les difficultés surmontées peuvent être symbolisées par la taille des volailles qui débordent, ou par les personnages littéralement écrasés sous le poids des charges transportées.
Rien n’échappe donc au regard de l’artiste sur le tragique des situations. Il y critique de manière subtile le fait que l’insolite des « zems » n’occulte en rien les dangers liés à la sécurité routière. Cette réalité peut transparaître dans le choix des couleurs. Un phare par ci éclaire sur la faible distance entre la moto et le camion. Une ligne jaune apparaît comme celle à ne pas franchir pour éviter la mort à une famille entière dont les membres roulent sans caque de protection. Toutes ces scènes se déroulent sous les « regards » alerte des lumières de la ville.
Je ressors de cette expo la tête remplie de questionnements sur la pollution de l’essence frelatée qui alimente ces zems. Je commence à cogiter sur les infrastructures routières en place là-bas pour accueillir tous ces engins… De passage au Bénin en 2016, j’ai fait partie de ces nombreuses personnes à avoir posté des images « insolites » de Zémidjan.
À cette époque-là, il n’y avait aucune place pour des analyses de situation. Tout juste la légèreté de quelqu’un qui vient de se recharger en vitamines du bercail.
Avec les œuvres de Yao Metsoko, forcément les interrogations reviennent. Je réalise en quoi son travail m’a touchée :
- Il réunit en un seul endroit toute la beauté et le danger d’une même situation, qui prennent d’autres proportions quand on est loin du pays.
- Il me remet en mémoire des aspects du Bénin que j’aime tellement : le mouvement, la débrouillardise et la vitalité des habitants.
Et de toute cette ambiance qui se dégage des toiles, de la chaleur qui en émane, je me sens envahie par un désir de prendre un billet d’avion sur-le-champ, pour échapper aux longs mois d’hiver qui se profilent…
Vilédé GNANVO
Informations pratiques :
Pour en savoir plus sur l’artiste : Yao Metsoko
L’exposition est en cours jusqu’au 30 novembre 2017 à la Galerie Carole Kvasnevski
39 Rue Dautancourt
75017 PARIS
Téléphone : +33 6 50 589 496