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De la ruée vers l’or ? En tout cas il y a de la «pokémonétisation» dans l’air

De la ruée vers l’or ? En tout cas il y a de la «pokémonétisation» dans l’air

 

De la ruée vers l’or à Pokémon GO il n’y a qu’un pas que nombre de chasseurs de trésors franchissent.

Pour être honnête, je ne m’y connais pas en jeux vidéo. Je ne suis ni passionnée par cet univers, ni experte du domaine. D’ailleurs, je suis passée complètement à côté de la folie Pokémon de la fin des années 90. Mais qui qu’on soit aujourd’hui, il faut être totalement déconnecté pour ignorer tout l’engouement suscité par Pokémon GO. Alors pour ne pas rester une fois de plus dans l’ignorance, j’ai voulu comprendre un peu de quoi il s’agissait.

C’est quoi Pokémon GO pour moi ?

Chercheurs de pokemon

Un jeu de réalité augmentée qui consiste à chasser des créatures disséminées un peu partout dans la nature. Muni de votre téléphone portable, il faut aller à la recherche de tout Pokémon captable dans un environnement. Les plus difficiles à attraper sont les plus rares donc les plus prisés. L’intérêt du jeu réside dans le fait que tout se déroule via une technologie : la réalité augmentée de votre téléphone. C’est surtout ça qui a permis de toucher autant de jeunes de tous les continents, et qui fait de ce jeu l’un des plus téléchargés au monde, et en a converti d’autres à se réapproprier les moments vécus avec les Pokémon quelques années auparavant. Car il faut le dire, Nintendo joue sur la frustration des trentenaires qui regardaient les dessins animés Pokémon, sans pouvoir faire comme leurs héros favoris, sortir et aller les chasser . Les substituts commerciaux (jeux de cartes, figurines, jeux vidéo…) n’avaient pas tout a fait la même saveur.

Pokemon en réalité augmentée

De tout ce que j’entends ou observe sur les comportements que cela provoque, la première image qui m’est tout de suite venue à l’esprit, est celle de la ruée vers l’or et des chasseurs de trésor. Le dénominateur commun de ces activités, outre le plaisir — nécessité dans certains cas — de chercher, c’est la grande motivation pour trouver : une paillette d’or, un petit métal précieux, un trésor caché quelque part (Pikachu, Carapuce, Bulbizarre voire le graal, Leviator). Aucun doute, l’esprit de l’aventurier pionnier du milieu du 19ème siècle est toujours présent.

Petit rappel de ce qu’était la ruée vers l’or.

Ruee vers l'or

En 1848, des hommes du monde entier affluent en Californie pour essayer de tenter leur chance en cherchant de l’or. A l’époque, des milliers de personnes ont été attirées par l’espoir d’un enrichissement rapide, laissant parfois derrière eux tout ce qu’elles avaient. Leur obsession alors résidait dans une recherche acharnée afin de découvrir quelques lingots d’or pour sortir de leur misère. Bien évidemment, cette aventure n’a pas été concluante pour tous. Certains n’y ont vu qu’un mirage. Beaucoup de ces pionniers étaient confrontés à un univers de violence où la loi du plus fort régnait. Bon nombre d’entre eux cherchaient, quelques-uns trouvaient les premières paillettes d’or, mais au final, peu d’entre eux touchaient à la grande fortune. Il est clair que tout le monde n’aura pas eu la chance de Teddy Tucker (explorateur marin bermudien) découvreur en 1955 de la croix en or de 22,5 carats dans un galion espagnol qui avait coulé 360 ans auparavant. Mais aujourd’hui encore, et dans de nombreux pays (Mauritanie, Soudan…) l’industrie aurifère reste présente, avec tout ce que cela implique comme enjeux économiques et stratégiques.

La chasse aux trésors

Chercheurs de metaux

Les chercheurs de trésor n’ont donc pas disparu, mais le phénomène qui s’est développé ces dernières années dans les pays occidentaux tourne plus autour du loisir et de la découverte que de la recherche d’enrichissement. Même dans le cas d’orpailleurs occasionnels qui recherchent un peu de pécule pour arrondir leurs fins de mois ou agrandir leur collection d’objets précieux, la finalité reste avant tout ludique. Le phénomène de mode connait donc un nouvel essor, et la frénésie autour de l’activité des joailliers n’est pas prête de s’épuiser.

Si Pokémon GO c’est la chasse physique d’un trésor virtuel en réalité augmentée, ce n’est ni plus ni moins la poursuite d’une activité (le virtuel en moins) vieille de plusieurs années : la chasse aux trésors.

A Londres dans l’entre-deux guerres, tard un soir, un petit groupe d’amis avait décidé de lancer une chasse au trésor un peu délurée. Il s’agissait de jeunes aristocrates riches, hédonistes et désœuvrés, surnommés par la presse les « Bright Young People ». Parmi les événements festifs qu’ils organisaient au cœur de la ville et largement relayés dans les journaux, figuraient les « treasure hunts » (chasses au trésor). Considérés comme la « génération perdue », ils n’en demeuraient pas moins les « people », donc les influenceurs de l’époque.

Au-delà de la simple activité organisée en petit comité pour fêter un événement (anniversaires, jeux pendant les vacances dans des centres de loisirs), ce genre d’activité a connu un boom depuis quelques années, surtout à l’échelle des villes qui ne tarissent plus d’imagination. Tel a été le cas de la traditionnelle chasse aux trésors de Paris organisée le 2 juillet 2016, pour ne citer que celle de la capitale.
Quel que soit le lieu, tous ces challenges de plus en plus prisés visent à véhiculer des valeurs importantes :

  • le sport à travers la constitution d’équipe, l’endurance, les villes transformées en vaste terrain de jeu, les compétitions organisées entre les groupes, l’idée d’un championnat à organiser dès 2017…
  • le loisir via le partage, la convivialité, la résolution d’énigmes
  • la culture par la découverte des villes sous des angles méconnus

Des émissions de télé ont popularisé l’intérêt de la prospection de l’or comme au Canada avec le « Gold Rush » ou prochainement « la course aux trésors d’Historia » . En France, Fort Boyard reste une émission de référence, avec des audiences tout au long des années écoulées qui reflètent le fort intérêt pour la recherche de trésors cachés.

Sur le terrain numérique, bien que les jeux d’indices en ligne existent depuis longtemps, c’est désormais sur les réseaux sociaux que des acteurs s’en emparent pour peaufiner leurs stratégies de communication ou marketing.

L’ère de la chasse aux trésors 2.0.

Une compagnie aérienne, Icelandair a récemment lancé sur Facebook et Twitter une grande partie de chasse aux trésors à coup de diffusion d’indices dévoilés pour retrouver des billets d’avion dissimulés un peu partout à Montréal, laissant ainsi la possibilité à quelques heureux de gagner des voyages vers des pays européens.

Plus insolite, la nouvelle tendance pour des millionnaires est de dissimuler de l’argent dans des endroits publics des grandes villes, et communiquer sur les réseaux sociaux afin que des individus recherchent — et encore mieux, trouvent — les précieux gains. Inutile de dire que les besoins de sécurité sur le terrain ne permettent pas toujours la réalisation de leur objectif . Dans un autre domaine, le défi « GéoPixels » lancé par le département de Seine-Maritime depuis 2015 permet de découvrir le patrimoine dudit département.

Le géocaching a de beaux jours devant lui. D’autres initiatives intéressantes ont lieu sur un plan artistique. Ainsi, pour le lancement d’un nouvel album souterrain nommé « Epiphany » , l’artiste Moriarty a invité ses fans à participer à une chasse aux trésors de 13 inédits musicaux de son précédent album « Epitaph ». La sortie du nouvel album est ainsi conditionnée par la découverte des 13 titres . Au même moment, des artistes comme Rihanna interdisent aux fans de jouer avec l’application pendant leurs concerts. Une chose est de s’intéresser à Pokémon mais de là à se laisser éclipser en tant que star… Ok, je suis peut être mauvaise langue. En fait, c’est surement pour les aider à pouvoir développer leur capacité à se concentrer sur une chose à la fois.

Pokémon GO : les moins

MOINS

Car devenir chasseur de Pokémon peut s’avérer parfois dangereux.
Au-delà des mesures nécessaires pour contenir les risques liés à la sécurité des données personnelles (les hackers ont déjà procédé à des attaques), se pose également la question de la réglementation à mettre en place pour cette activité.
En France, la gendarmerie nationale sensibilise sur les dangers possibles tant pour les conducteurs que pour les piétons étourdis. Il en est de même pour bon nombre de pays dans lesquels le jeu est sorti plus tôt.

Affichage de sécurité, Don't pokemon drive

Le joueur doit rester en état d’alerte permanent car à tout moment peut apparaître un des petits monstres. L’effet de surprise peut donc être déstabilisant. A priori, s’il est interdit de téléphoner au volant, on devrait encore moins pouvoir y dresser les fameuses petites bestioles. Mais bon, qui a dit que tous ceux qui ont obtenu le permis l’ont mérité ? Je ne vais pas vous relater une énième fois toutes les anecdotes survenues lors de la participation au jeu de quelques personnes. Mais certains cas valent franchement le détour :

On sera tous d’accord, ce n’est pas très malin de la part de l’éditeur d’avoir placé les petits démons en Posavina, région située au nord de la Bosnie-Herzégovine, et qui accessoirement compte de nombreux champs de mines . Et c’est sûr que malgré les panneaux signalant le danger, il est difficile d’y prêter attention alors qu’on a les yeux rivés sur son téléphone.

Pas plus glorieux, un Carapuce a été géolocalisé en plein champ de bataille en Irak . Je crois que le but recherché par les joueurs, c’est de se divertir en quittant quelques instants la dure réalité pour un virtuel plus joyeux. Pas de faire la guerre pour de vrai…

De manière plus anecdotique, il y a l’histoire de cette américaine tombée sur un cadavre en cherchant un Pokémon, ou encore le français interpellé alors qu’il pénétrait par inadvertance une base militaire en Indonésie .

Allez, une dernière plus légère : c’est l’australien qui plaque son job pour se reconvertir en chercheur de Pokemon. Trop fort… Mais là, la nature du risque n’est pas du tout la même.

D’autres histoires insolites plus ou moins légères courent le web concernant des personnes peu prudentes. Tout comme à l’époque de la ruée vers l’or, où la découverte de gisements à un endroit provoquait un mouvement de foules de personnes recherchant quelques grammes de métaux précieux, la dimension communautaire de Pokémon GO peut pousser à initier des chasses en groupes. L’aspect sociabilisant peut paraître dérisoire, tant des dizaines de personnes foncent tels des zombies vers un même objectif sans aucun regard ni les uns pour les autres, ni pour l’endroit vers lequel ils se dirigent. Mais loin d’être affolant, il faut au contraire y voir la possibilité de vivre des moments de partage à l’ère du virtuel à outrance.

Pokémon GO: les plus.

PLUS

Ce jeu a d’abord pour vocation d’être ludique : tout ce qui peut apporter un peu de bonheur et de légèreté est appréciable par les temps qui courent.

Il pousse les jeunes à plus de nomadisme donc à pratiquer du sport car le chasseur est obligé de se déplacer constamment.

Pokémon GO c’est aussi l’opportunité pour les communes de trouver un moyen de se valoriser .
C’est l’occasion pour certaines villes de faire découvrir leur patrimoine, les jardins, l’architecture, les places etc., en nouant des partenariats avec l’éditeur du jeu.

C’est en tout cas une vraie occasion d’intéresser les gens à la richesse de la nature et pourquoi pas, susciter des vocations ?

Enfin, pour les acteurs du marketing et de la communication digitale, c’est un marché qui ne s’est pas fait attendre. Des enseignes peuvent investir massivement dans le sponsoring, nouer des partenariats afin d’attirer des gens vers leurs boutiques, bars ou restaurants. Monoprix ne s’y est pas trompé en montant son opération « Pokémonop » . Pour une marque, s’associer à Pokémon GO peut être « in » et promesse de visibilité. Le capital sympathie n’en sera que bénéfique. Le but consisterait aussi à modeler le comportement des individus en les attirant vers des lieux pour les inciter à consommer.

Questionnements.

A en croire Mark Schramm, la manne d’or ne sera pas forcément au rendez-vous pour les petits éditeurs de jeux vidéo . Mais ce qui est certain, c’est que Nintendo et la société Niantic qui a développé l’application Pokemeon GO peuvent se frotter les mains. L’action de Nintendo a flambé dès la sortie du jeu. Dès son lancement, le jeu a dépassé tous les espoirs en étant en tête des applis mobiles les plus téléchargées actuellement, quel que soit son lieu de lancement. Il s’agit d’une appli très rentable qui génère des revenus considérables. S’il est vendu comme jeu gratuit, les modules payants sont nombreux et le joueur rendu addict, motivé par la performance, et qui cherche à atteindre les échelons les plus hauts a vite fait de casser la tirelire. En effet, le jeu compterait plus d’achats intégrés que tout le reste du marché des jeux mobiles .

« C’est via The Pokemon Company dont Nintendo détient 33% des parts de vote » que l’or coulera à flot grâce aux produits dérivés, partenariats commerciaux et autres droits à l’image [ « Pokémon Go, le retour à la raison ». Les Echos du 26/07/2016 p 18 ].
Dans cette chasse au trésor, une fois de plus le butin final sera inégalement réparti, et le chasseur de trésor ne sera pas celui qui l’empochera.

Quoiqu’il en soit, de manière plus globale, cette « ruée vers l’or » numérique va peut-être nous faire rentrer dans une nouvelle ère, celle de la « pokemonétisation » ? De nos jours, l’or est toujours la valeur refuge par excellence mais qui sait si dans quelques années un Leviator ne l’aura pas remplacé … Bon ok, je m’égare…

Je me « pokémonise! »

Attrape moi si tu peux

Vilédé GNANVO

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