Effet Graff ancre le graffiti au Bénin
Le mois de février 2019 a été l’occasion de découvrir Effet Graff, festival de graffiti qui a lieu au Bénin. Il est organisé par l’Association Sèna Street Art (ASSART) créée par un groupe de jeunes artistes engagés dans les domaines de l’art.
Brève historique
Stone et Dr Mario, fondateurs de l’association commencent par peindre des murs à Cotonou en 2013 avec très peu de moyens. Leur but est clair : montrer l’utilité sociale d’une discipline qui a le pouvoir d’inspirer le dialogue et séduit chaque jour un peu plus de personnes au Bénin.
Entre le début de leur activité et la 5ème édition d’Effet Graff, il y a l’investissement personnel et la conviction que l’art urbain mérite d’être accessible un plus grand nombre, tant il égaie le quotidien des gens.
Peindre un mur, c’est contribuer d’une manière ou d’une autre à guérir quelqu’un… arracher un moment de bonheur à quelqu’un qui tombe inopinément sur un mur par exemple en allant au boulot le matin, pour moi c’est guérir ; je soigne les gens à travers la couleur, d’où le pseudo Dr Mario .
Dr MarioL’association creuse son sillon en s’inspirant de ce qui se fait déjà dans d’autres festivals, à l’instar de son aîné Regraff [1]
Avec le temps, l’équipe s’étoffe et ils comprennent qu’un tel événement peut se déployer dans tout le pays. Le besoin d’explorer d’autres villes s’est concrétisé en 2017 quand ils se rendent compte que les gens étaient tout aussi réceptifs (voire plus) de leur message en dehors de Cotonou, la capitale économique du Bénin.
Le Bénin ne se limite pas à Cotonou. Il faut sortir de Cotonou pour se rendre compte que les gens sont plus réceptifs à la chose que ce qu’on peut imaginer.
StoneIls décident alors d’aller à la rencontre du peuple et des différentes cultures .
Février 2019
Cinq ans après la première édition, les voici donc sillonnant 4 grandes villes du pays entre le 18 et 28 février 2019. De Cotonou à Grand-Popo en passant par Ouidah et Comè, je découvre une trentaine de jeunes motivés par la nécessité de partager leur savoir. Ils composent avec toutes les difficultés qui persistent pour organiser ce genre d’événements au Bénin, pays où la valorisation des artistes n’est pas toujours une priorité. Rien donc d’étonnant à ce que la majorité des subventions des premières éditions du festival se soit faite sur fonds privé.
Cette année, avec un budget évalué à 8 millions 827 mille de francs CFA [2] , l’association s’estime sur une bonne ligne de progression car elle optimise au mieux les moyens dont elle dispose. Elle revendique sa volonté de ne pas faire du graffiti vandal, consciente que la connotation négative accolée à cette forme d’art peut en desservir la cause. Il faut être perçu comme de véritables artistes de rue et éviter absolument d’être catalogué comme des voyous.
Ici, nous, on fait le graffiti pour marquer les cœurs
StoneElle est de plus en plus crédible, alors les partenaires répondent plus présents. La rencontre des autorités locales ou institutionnelles se fait avec plus de fluidité pour obtenir des espaces culturels adaptés ou l’autorisation de peindre les murs.
Pour 2019, ASSART choisit des villes où la jeunesse est confrontée au besoin d’identification à un modèle de société. Elle axe sa thématique sur la célébration des « personnalités » modernes du pays.
En plus du graffiti, cette nouvelle édition s’enrichit donc des divers ateliers pluridisciplinaires, gratuits et ouverts à tous (ateliers de dessins animés, photographies, danses urbaines, calligraphies et musique). Tout un complexe d’activités développé autour d’un message porteur fort : mettre « l’art au service du peuple ». La cible prioritaire reste des jeunes chez qui ce festival pourra susciter une vocation particulière. L’ambition est que d’ici 5 ans, les talents dénichés aujourd’hui puissent s’engager en tant que participants actifs et créateurs pour les prochaines saisons.
La preuve par l’image
C’est ce à quoi s’est employé l’ensemble des organisateurs pendant les 10 jours du festival, où j’ai assisté à la réalisation de fresques murales et à certains ateliers.
À Cotonou, sur le mur à la Place des martyres, quatre jeunes parmi des talents révélés par Irawo sont à l’honneur.
À Ouidah, la fresque rend hommage à Oscar Kidjo, créateur du centre CIAMO décédé quelque temps avant le début du festival. Son portrait figure sur le mur pour saluer l’appui qui a été le sien.
À Comè, en plus de la fresque murale, le centre Carrefour de jeunes a servi de lieu pour la mise en place des divers ateliers dont le graffiti et les danses urbaines.
À Grand-Popo, sur les murs de la Villa Karo, le groupe qui a mis en avant des artistes du 7e art Djimon Hounsou et le cinéaste Sylvestre Amoussou
Pour clore le tout, les Amazones prennent le relais du mur au Centre à Cotonou, histoire de hisser un peu plus haut La femme, avec l’envie qu’elle serve de référentiel à d’autres générations.
La boucle est bouclée.
Mon point de vue
Par manque d’anticipation de mon côté, je n’ai pas pu suivre l’équipe dans sa tournée 24 h/24. Je sais qu’une immersion totale pendant tout le festival aurait été souhaitable pour restituer au mieux la densité et la richesse des moments vécus autour l’événement. Néanmoins le temps passé en leur compagnie à chaque fois me permet de témoigner de la bonne ambiance qui a régné dans cette équipe, de la volonté de se perfectionner et l’investissement dont a fait preuve chacun afin de concrétiser l’objectif de départ.
J’ai été agréablement surprise par le dynamisme et la hargne qui animait le groupe , conscient des limites qui pouvaient parfois s’ériger en termes de technique, d’organisation ou de matériel. J’ai aimé l’état d’esprit autour d’un événement dont l’expansion est à portée de main et qui pour l’heure reste encore suffisamment à taille humaine pour que le plaisir ressenti ne soit pas feint.
Je suis convaincue que cette aventure connaîtra un bon parcours si ASSART (qui semble avoir l’ambition de faire d’Effet Graff un événement de référence) parvient à attirer dans les prochaines éditions encore plus d’artistes d’envergure venus d’ailleurs pour confronter les expériences de création.
Vilédé GNANVO
Liste de quelques artistes ou membres d’Effet Graff 5
Stone ; Dr Mario ; Seencelor ; Typamm ; Yanick Folly ; Boris Esteve ; Govison ; Hyacinthe David Idh , Lionel Davinci ; Akinde Fatiou ; Jyher ; Di HAWK ; Patriot ; Line ; Alpha SY ; Freitas Ulrich ; Komy Thomas ; Jennifer Sossou ; Mooda
En savoir plus
[1] Festival de graffiti en place depuis 2012 au Bénin et piloté entre autres par l’artiste Rafiy Okefolahan
[2] Chiffre issu de la conférence de presse donnée par ASSART le 14 février 2019