Événements culturels

Rencontre avec l’artiste béninois Rafiy Okefolahan et ses ‘Faits divers’

Rencontre avec l’artiste béninois Rafiy Okefolahan et ses ‘Faits divers’

La première fois que j’entends parler de Rafiy Okefolahan, c’était à une exposition sur l’art urbain à la Galerie Lazarew, au détour d’une conversation que j’ai avec la galeriste. Dès qu’elle apprend que je suis béninoise, elle me parle de cet artiste très « créatif et habité par la culture de son pays ». Huit mois après, je le rencontrais.

Faits divers

Je ne connaissais pas Rafiy Okefolahan. Je commence donc à le suivre et guette sa prochaine expo. Elle se présente. C’est « Faits divers » à la Galerie Charron. J’y fais un tour. Pour moi c’est compliqué à comprendre. Je note dans mon agenda le 11 novembre à 15 heures, date annoncée par la galerie pour une discussion prévue en présence de l’artiste.

Printannier - Série 'Faits divers' 2017 par Rafiy Okefolahan

Mais cet après midi là, je suis à une foire d’art, je ne vois pas le temps passer, je rate Rafiy. Qu’à cela ne tienne. Je refais un tour à l’expo quelques jours plus tard. J’y redécouvre les toiles colorées faites de teintes primaires. À première vue, les mélanges de couleurs sont des appels à la joie de vivre. Et ça contraste avec la grisaille des derniers jours d’automne. Mais il n’y a pas que ça. Je sais des lectures sur lui que l’artiste est féru d’actualité. Je décèle dans les ombres de ses toiles abstraites les tourments de la société. Elles recouvrent autre chose, avec une seconde lecture moins accessible. Je veux savoir ce qu’il y a sous le masque de ses silhouettes fondues dans les couleurs. En sortant, j’apprécie mais je reste un peu sur ma faim, ou devrais-je plutôt dire, ma soif de mieux comprendre.

Diverses œuvres de la série "faits divers" 2017 par Rafiy Okefolahan

Peu de temps après, j’apprends que le succès rencontré par l’expo a permis qu’elle soit prolongée jusqu’au 21 décembre. Cette fois-ci, je saisis l’occasion. Je décide de rencontrer l’artiste pour en savoir un peu plus. Je le contacte via Instagram. Rendez-vous est pris.

Ce qu’on peut déjà dire de Rafiy

Il est né le 7 janvier 1979 à Porto Novo ( Bénin ). Il puise sa force créatrice dans le bouillonnement culturel de l’Afrique. Artiste nomade, son parcours l’a porté dans divers pays d’Afrique de l’ouest, avant qu’il ne s’installe 2 ans au Sénégal, à l’école Nationale des Arts de Dakar. En 2014, il a été sollicité pour une première commande publique pour l’Aéroport de Cotonou (Bénin) [1] . Aujourd’hui, il vit et travaille en France. Il projette sur ses toiles les lectures qu’il fait des événements qui secouent la planète. Il met dans ses œuvres son intention de faire découvrir la culture en général, celle de son pays d’origine en particulier. Et pour cela, il se sert volontiers des éléments naturels comme la terre, le sable ou le marc de café. Il conçoit sa production comme un moyen de mettre de l’ordre dans le chaos du réel, de lutter contre l’oubli, de garder en mémoire [2] .

Rencontre avec l’artiste

Pour comprendre mon travail, il faut connaître mon pays, ma culture

Rafiy Okefolahan

La rencontre a donc lieu le lundi 27 novembre 2017, il est 16 heures et il pleut des cordes. L’artiste Rafiy me reçoit dans son studio en rez-de-chaussée dans une ville de la proche banlieue parisienne. Il est entouré de quelques amis artistes, parmi lesquels le promoteur d’événements via la plateforme  Natural Dap Records . Il est surpris, il pensait voir un homme. Il faut dire qu’avec les réseaux sociaux, aucune présentation formelle n’avait eu lieu auparavant. Une fois les présentations faites, nous rentrons dans le vif des sujets qui me permettrons d’en savoir un peu plus sur sa personnalité pour mieux saisir ses œuvres.

Je vous propose donc en exclusivité, des extraits de l’interview que j’ai menée avec lui.

Pour commencer, tu peux te présenter et revenir un peu sur ton parcours ? 
J’ai commencé entre Cotonou et Calavi. À force de côtoyer des peintres et autres artistes, j’ai eu envie de peindre aussi. Au début, je faisais des petites choses au centre artisanal et j’ai approché un artiste qui m’a inspiré. Au Bénin, l’inspiration part souvent du Vaudou. 

Et c’est qui cet artiste ? 
Peu importe. Il n’a pas voulu me prendre comme élève car selon lui, je n’avais pas des aptitudes pour la peinture, pas une tête à faire la peinture. J’ai donc commencé à prendre des cours à droite et à gauche chez d’autres artistes. Pour survivre, j’ai d’abord reproduit des œuvres pour vendre. J’ai rencontré un artiste togolais, Kikoko qui était en exil politique. Il utilisait un grattoir, pas un pinceau. Pendant 6 mois, j’ai peint à ses côtés et appris d’autres choses.
Puis j’ai beaucoup voyagé pour apprendre d’autres techniques. Car l’histoire et la pratique religieuse étant différentes dans chaque pays, les inspirations et les influences le sont aussi. Plus on s’éloigne du Bénin, plus c’est différent. Il y a d’autres réalités. J’ai ensuite intégré une école nationale des beaux-arts à Dakar au Sénégal. Je n’y suis resté qu’1 an car il y avait trop de théories et moi j’avais besoin de pratiquer et de gagner ma vie. Je fais la Biennale de Dakar. En 2008, je mets en place le mouvement ELOWA (qui veut dire Aller et revenez en paix en Yoruba ) pour favoriser les échanges et la création entre divers artistes. J’ai continué à travailler avec des artistes puis je suis allé en France dans un but artistique, sur invitation du galeriste Olivier Sultan.
Et comme je voyais qu’il y avait beaucoup de protocoles pour intégrer la scène artistique à Paris, que c’était trop long avec trop de codes, j’ai pris mes tableaux sous les bras et je suis allé frapper à des portes de galeries au culot. Une galerie m’a proposé une collaboration et depuis 2009, je suis resté et c’est comme ça que les choses sont parties. Aujourd’hui, j’expose un peu partout. 

Mais tu avais une idée du prix du marché et de la valeur de tes tableaux quand tu as démarché les galeries ? 
Non pas du tout. Je suis même venu avec mes prix depuis là-bas. Le genre 500 euros pour une toile 1 m/1 m. J’ignorais les prix du marché 

Comment définis-tu ton style ? 
Je ne donnerai pas une définition académique de mon style. Donner une définition, c’est se mettre dans une case. Moi j’ai envie d’apporter un mieux. J’ai envie d’apporter des émotions aux gens. Par exemple il y a des mots dans ma langue qui ne correspondent à rien dans ce que je veux décrire en français. Moi je pense d’abord en Yoruba et ensuite je traduis en français.  Pour comprendre mon travail, il faut connaître mon pays, ma culture .
Dans mon travail, je parle de mes valeurs, de ma culture, de la manière dont les gens s’adaptent aux nouvelles technologies. Le mot artiste a évolué avec le temps… 

Oui il est un peu galvaudé c’est ça ? 
Oui c’est ça 

J’ai lu une interview de toi en 2012 sur Africultures : où tu disais toujours chercher la bonne définition de l’artiste. Tu as trouvé ? Qu’elle est elle ? Tu l’as toujours été ou tu l’es devenu ? 
Oui je peux dire, aujourd’hui, je suis un artiste, un bon coloriste. 

OK, justement tu te définis comme quoi ? Artiste contemporain ? Artiste africain contemporain ? 
Artiste. Il ne faut pas qu’on associe « africain » à quelque chose de moins bien, comme une sous-catégorie. Je suis artiste et bien sûr je suis Africain. Mon inspiration est dans le Vaudou et le Bénin. Mais le message que je porte est global. D’ailleurs on parle de monde globalisé aujourd’hui. Donc oui, je suis artiste et je me revendique du monde.
Dans la création ce sont souvent les événements qui permettent de créer. L’histoire de l’art occidentale est différente. Les transmissions sont différentes. Donc l’implication dans l‘histoire d’écriture de l’art est différente. Nous en Afrique, on a une histoire, sauf qu’on la transmet à l’oral. Donc il n’y a pas de trace. Ça ne veut pas dire qu’on n’a pas de passage dans l’histoire de l’art. Mais on n’a pas fait la transmission nous-même, on ne fait pas les choses pour la transmission. 

Justement les réseaux sociaux et internet et tout ça sont là pour permettre la transmission non ? 
Oui, les réseaux sociaux sont une mine d’or pour l’Afrique. On doit se libérer de certaines personnes. Plus besoin d’intermédiaire. Ce sont des outils qui peuvent beaucoup aider en Afrique et sont accessibles au plus grand nombre. Dans ma création, je me sers souvent de tutoriels pour connaître de nouvelles techniques. Internet, c’est une mine d’info.
C’est un bel outil pour la sauvegarde, même si ça peut être dangereux pour l’œuvre d’art et les droits. C’est comme la Bible. Tout dépend de comment on la lit. Ici, tout dépend de l’usage qu’on fait de son œuvre sur les réseaux. Ce n’est pas pareil de publier une œuvre que j’ai signée que de mettre en ligne une photographie qu’on vient de prendre en tant que photographe. Elle peut être détournée, volée. Il faut faire attention à ce que l’on fait. 

Quelles sont tes sources d’inspiration ? 
L’actualité est une source d’inspiration. Le but est de toucher les gens de manière agréable. D’où les couleurs. En Afrique, les couleurs sont partout. Ma manière de fonctionner, c’est comme un féticheur. Il y a comme un besoin d’apporter un cadeau pour le fétiche par la couleur des peintures : rouge soleil, le vert qui évoque les plantes malaxées, le blanc qui est comme la pâte d’akassa mélangée avec de l’eau. La toile est un fétiche, les couleurs sont des offrandes. Par la superposition des couleurs, il y a l’acte de conjurer les mauvais sorts. Les problèmes appellent à l’acte de création. 

Qu’en est-il de ton actualité? Tu es à la fois à Paris et à Auxerre c’est çà? 
Non, l’expo à Auxerre est terminée 

Ah bon ? 
Oui c’est terminé. J’ai fait des choses à Auxerre avec la Jeune Chambre internationale. On a collaboré depuis longtemps sur divers projets avec le Bénin. J’ai fait une performance et j’ai invité plusieurs personnes à participer à une Œuvre collective pour le compte d’une association burkinabé « Chacun cherche son âne » [3] . 30 % des ventes de mon œuvre ont été reversés à l’asso. On a réussi à récolter 1 200 euros qui sont allés directement à l’association.
À Paris, je suis toujours à la Galerie Charron. Justement l’expo a rencontré beaucoup de succès et a été prolongée. 

C’est à la demande des visiteurs c’est ça ? 
Oui elle a bien marché et est prolongée jusqu’au 21 décembre. 

D’ailleurs à propos, je voulais aborder un autre pan de l’actualité. J’étais à AKAA récemment et j’ai été surprise de ne pas t’y voir. C’est une volonté de ta part ou… ? 
Tu sais, j’expose dans des galeries en permanence depuis 2009, à Paris. Et je ne voulais pas être à AKAA juste pour y être. Il faut du temps pour que tout ça se consolide. D’où la nécessite de ne pas se précipiter pour y aller. De toute façon, je finirai par y aller. Soit parce que je voudrais, soit parce que les galeries qui me représentent décideront d’y présenter mes œuvres. Aller à AKAA n’était pas une fin en soi. Mais c’est un événement majeur qui permet de montrer les artistes du continent et c’est une bonne chose. On verra ce qu’il adviendra, on verra si elle se pérennise aussi… 

Est-ce que tu collabores ici avec d’autres artistes ou tu es plutôt solitaire dans ta création ? 
Oui je collabore avec beaucoup d’artistes. J’ai mis en place « Les portes ouvertes à Belleville » et fait voyager des artistes au Bénin. J’œuvre beaucoup pour apporter ma pierre à l’édifice, apporter une autre manière de faire.
Il y a eu au Bénin, le festival de graffiti Regraff qu’on a mis en place pendant plusieurs années. Cette année, ça ne s’est pas fait car on a eu besoin de prendre du recul, de se poser un peu pour voir les directions à prendre. En général, ça a lieu en novembre. On le fera l’an prochain, j’y serai. En tout cas, les jeunes sont outillés là-bas. Maintenant il faut donner une autre orientation à la structure. On a fait venir des artistes en Europe. En France, il y a les artistes de Belleville qui vont au Bénin.
Sinon, je fais beaucoup de travail de pédagogie avec les élevés à Auxerre. Je leur explique l’importance des couleurs. Je les incite à mélanger les couleurs pour observer les résultats. C’est beau l’association de couleurs. Mais depuis deux ans je fais une pause dans cette dynamique d’impulsion culturelle car il faut consacrer aussi à la création. On a un minimum d’obligation vis-à-vis des galeries quand même… 

Une dernière question pour finir. Un de mes sujets de philo il y a longtemps c’était : l’artiste est-il embarqué dans la galère de son temps ? 
Oui. Mais la galère ce n’est pas que financier. Par exemple après un excellent vernissage, l’artiste peut se retrouver tout seul dans son coin, en isolement. La solitude le guette souvent.
L’artiste doit interpeller et se retrouve souvent à faire le boulot que la situation sociale attend de lui. Il devient gardien. Dans ce rôle, il doit être sincère. C’est comme un sacerdoce.
Moi je travaille 24 heures sur 24, pas de repos. Dans la création on s’oublie et on risque de se retrouver tout seul. En tant que créateur, on a besoin de tous pour créer. L’artiste doit se surpasser, passer du monde normal à l’isolement total. C’est comme Jésus en fait . Rires…

Oeuvre de Rafiy Okefolahon
Merci Rafiy pour cette enrichissante rencontre .
 
 
 
Vilédé GNANVO

Pour plus d’informations :

Sur l’artiste Rafiy
Sur l’expo « Fait divers »: En cours jusqu’au 21 décembre 2017 à la Galerie Charron
43 Rue Volta, 75003 Paris
Ouverture du mardi au vendredi de 13 heures à 19 heures, samedi de 13 heures à 17 h 30.
Tél. : 09 83 43 12 05 Email : contact@galeriecharron.com

Sources :

AKAA 2017: reflet de la créativité artistique d’Afrique

AKAA 2017: reflet de la créativité artistique d’Afrique

Il y a presqu’un mois, l’art africain était de  nouveau célébré au cœur de Paris. Et l’événement qui a mis un projecteur sur la scène artistique contemporaine d’Afrique c’est AKAA , autrement dit Also Known As Africa, foire fondée et dirigée par Victoria Mann . AKAA  peut se définir comme une foire inclusive dont l’objectif réside dans l’échange de perspectives avec et pour l’Afrique, autour de la diversité de sa création.

Le rendez-vous qui en est à sa deuxième édition s’est déroulé du 10 au 12 novembre 2017, dans un lieu marqué par une dimension culturelle très forte : le Carreau du Temple dont la seule évocation est un gage de succès. Cet événement mêlant professionnels, amateurs et collectionneurs d’art africain a réuni des spécificités de 150 artistes venus de 28 pays différents. Outre les stands d’exposition des galeries, on pouvait aussi assister à des rencontres et débats mis en place par la directrice de la programmation culturelle Salimata Diop , avec des artistes dont le travail s’articule autour de la thématique de guérison.

Je n’ai pas connu la première édition de la foire. Mais après le printemps parisien dédié à l’art africain que j’évoquais dans mon article  L’ Afrique au Waximum , c’était là une nouvelle occasion pour découvrir une gamme encore plus variée d’expression artistique contemporaine. L’état d’esprit des 60 artistes présents (composés autant d’habitués que de nouveaux talents invités par des galeries) était propice au partage. Ils ont su tisser des liens avec le public venu voir leurs œuvres. Tout le monde s’est accordé sur le fait que cette foire était pleine de fraîcheur, avec une simplicité et un dynamisme assez peu fréquents dans de pareils salons.

Il faut dire que l’effervescence autour de la création contemporaine africaine est de plus en plus palpable dans le réseau mondial de l’art. Et tout ce qui contribue de près ou de loin à sa visibilité est salutaire à bien de niveaux . En ce sens AKAA 2017 a vu juste en s’inscrivant dans la volonté de favoriser la rencontre avec un public français et une diaspora africaine qui est de plus en plus apte à s’impliquer comme acheteurs. Ceci même en plein débat sur les initiatives menées de part et d’autres du continent africain  (par exemple le  Bénin) pour la restitution des biens culturels pillés ou déplacés de force par d’anciennes puissances coloniales. La pérennisation et la réussite d’un tel événement pourront consolider une fois pour toutes l’art africain encore perçu par certains en France comme un effet de mode, alors même qu’il a depuis longtemps séduit le continent asiatique.

La scénographie soignée mise en avant par les galeries invitait indéniablement à s’attarder sur les stands d’exposition. Quant à la valeur marchande des œuvres des jeunes artistes, elle reste abordable . Comme le souligne Victoria Mann [1]  « À AKAA, la majorité des œuvres vendues se trouvent dans une fourchette de 4 000 à 6 000 euros ».

Ces trois jours m’ont laissé voir les inspirations et la pluralité d’une scène artistique qui témoigne de la vitalité d’un continent, loin des seuls indicateurs économiques focalisés sur le PIB. Je retrouve dans les œuvres créées le fil conducteur d’une Afrique qui évolue sans cesse sur les plans culturels, démographiques, démocratiques et  économiques.

Les peintures satiriques de Zemba Luzamba ,  JP Mika ou encore  Amani Bodo  dressent les portraits des pouvoirs sociaux et politiques ayant une incidence sur les peuples du continent.

Alexis Peskine avec dans son œuvre « Le radeau de la Méduse » livre une lecture sur la réalité de la politique migratoire, avec des protagonistes prêts à tout pour embarquer vers des terres inconnues, des aventures insoupçonnées et parfois hostiles. Dans la même lignée, j’échange avec  Freddy Tsimba sur sa sculpture  « Centre fermé, rêve ouvert » , entièrement faite d’objets de récupération (de sac plastique, d’acier et de cuillères soudées)  et directement inspirée d’une expérience vécue lors d’un passage (de manière légale)  à une frontière européenne.

Centre fermé, rêve ouvert de Freddy Tsimba - scupture et instalation avec de la récupération de cuillères

Avec les représentations des guerriers bantous ou les portraits d’individus décontextualisés de l’artiste contemporain et urbain Kouka , nous renouons avec l’histoire culturelle africaine et sa manière de s’accommoder des restes de la colonisation, visibles dans les traces laissées par les flux migratoires.

Oeuvre de Kouka Ntadi

 

À titre encore plus personnel, trois autres points m’ont marquée

1- L’hommage rendu au sculpteur Ousmane Sow qui a beaucoup fait pour l’art de la jeunesse africaine. À cette occasion, Lilian Thuram a livré un récit sur sa rencontre avec l’artiste et la Ville de Paris a annoncé sa décision de commander une œuvre majeure de l’artiste.

Lilian Thuram évoque en présence de Béatrice Soulé  sa rencontre avec Ousmane Sow

Sculptures réalisées par Ousman Sow

2- Le témoignage Joana Choumali qui essaie de panser les plaies post-attentat de  Grand-Bassam en mars 2016, via ses photographies brodées. Ce travail qu’elle a appelé « Ca va aller » s’inscrit largement dans une pratique liée à un processus de guérison et pose la question de comment surmonter les chocs traumatiques de cette ampleur. « L’œuvre d’art est un pansement psychologique car on y cherche toujours quelque chose pour nous apaiser. C’est une manière de se soigner » dira-t-elle lors des échanges.

3- L’exposition des créations de plusieurs artistes Béninois parmi lesquels Dominique Zinkpè , Marius Dansou , Remy Samuz  de la Galerie Vallois , engagée depuis longtemps dans la mise en avant des talents de cette partie du monde. Mais d’autres oeuvres des artistes  Romuald Hazoumè,   Pélagie Gbaguidi ou  Emo de Medeiros  étaient également visibles à la foire.

Tous ces exemples choisis ne sont qu’une partie de ce qui était représenté. Mais cette partie-là a remporté ma totale adhésion. Bien évidemment, lors des rencontres, plusieurs débats se sont invités dans les discussions. La question de la potentielle  ghettoïsation de ce genre d’événement centré sur l’Afrique a été évoquée. Il en ressort que :

–     l’art africain pour se fondre dans l’art tout court, doit s’affirmer, se réapproprier ses propres codes culturels et héritages afin de se défaire du cliché « ethnographique » qui le définit trop souvent.

–    sans ce genre d’événement, la visibilité des artistes africains reste faible ici, tant sur le « Où » que sur le « Quand ». Or faire un focus sur eux est une manière de donner des exemples positifs, d’offrir des références auxquelles les Africains peuvent fièrement s’identifier.

– cela fait partie d’un ensemble  d’outils mis à disposition pour que les artistes témoignent de leur richesse culturelle  et aussi de leur génie plastique.

Sans titre de Omar Mahfoudi
Les fruits de Korotoumou de Méderic Turay

Je terminerai en disant que le pari d’AKAA de rendre pérenne ce rendez-vous et de l‘ancrer dans une place à forte valeur culturelle est plus que légitime. Cette année encore, environ 15 000 visiteurs ont marqué leur intérêt à la foire. Et des 38 galeristes qui ont participé à l’événement, beaucoup ont déjà confirmé leur présence pour l’édition 2 018.

 

Dans ce sens, AKAA a su occuper un espace nécessaire, en proposant cet agenda au cœur de la capitale française.

Vilédé GNANVO

Sources
www.akaafair.com
[1] Art contemporain africain : 2017, année charnière ?

Du street art sur le Boulevard des Capucines

Du street art sur le Boulevard des Capucines

 

C’est au 25 Boulevard des Capucines, non loin de la place Vendôme mondialement reconnue pour héberger les plus grands joailliers de la planète qu’a débuté le week-end dernier l’événement à but artistique et caritatif Les Capucines du street art.

Autour de ce projet, il y a l’organisateur : La société 1848, acteur de l’immobilier impliqué dans l’art et la mise en place d’événements artistiques. C’est elle qui a procédé au choix des artistes, de la logistique et des partenaires que sont Projets Plus Actions et Boesner .

Et puis AXA IM – Real Assets , le sponsor de l’exposition qui a fait aménager et mis à disposition des artistes un espace de 720 m² dans un immeuble en attente de restauration, afin que ceux-ci y expriment librement leur art. [1]

La société Axa IM – Real Assets, connue pour ses activités d’investissement et gestion d’actifs, accompagne déjà depuis plusieurs années des projets artistiques liés à la promotion de jeunes pianistes, via Les Capucines de l’art. Mais c’est la première fois qu’elle met en avant une exposition de street art pour permettre à des street artistes d’y réaliser des installations. Et en choisissant un tel lieu, il y a comme l’écrit sa Directrice de la Communication Jocelyne Tamssom , la volonté d’offrir « une visibilité exceptionnelle aux artistes, instaurant ainsi une harmonie entre l’immeuble et la ville au service de l’Art ». [2]

Il y a aussi l’implication d’une trentaine d’artistes qui ont laissé libre cours à leur imagination et investi les lieux. Des façades extérieures de l’immeuble aux divers recoins, différentes formes d’art urbain (graffiti, lettrage, installations, aérosol, peinture…) ont trouvé des espaces à recouvrir. Le tout a été réalisé sous la direction artistique de Cannibal Letters, K-litystreet et Wuze qui ont su réunir d’autres artistes reconnus et actifs sur la scène urbaine aujourd’hui. C’est l’occasion pour eux de mettre en lumière dans un tel lieu, un style de création qui a parfois été snobé par le une partie du monde de l’art.

Il y a enfin l’investissement de l’association  Projets Plus Actions .

Un espace lui a aussi été réservé par Axa IM qui lui a permis d’installer une galerie d’art éphémère, composée d’œuvres plus ou moins récentes, réalisées et mises en vente par les artistes impliqués. Le but ici est de concilier art et action caritative. L’association espère par ce biais collecter les fonds issus de la vente afin de procéder au financement d’initiatives comme la construction d’une ferme école au Bénin, le soutien à des cantines scolaires ou encore la plantation de 10 000 arbres à Madagascar. [3]

Je rencontre Véronique, une bénévole de l’association qui est ce samedi-là en charge la gestion de la galerie. Elle est dynamique et très enjouée. Elle me donne envie d’en savoir plus sur cette association, moi qui étais venue là surtout pour voir des œuvres. J’ai l’occasion aussi d’échanger avec Jean Marc Civière, l’un des cofondateurs de Projets Plus Actions. Il me parle un peu de l’origine de l’association et des projets menés à travers le monde, notamment au Bénin , pays qui a inspiré la réalisation de la structure en 2006.

Véronique , bénévole à l'association Projets Plus Actions

Projets Plus Actions (PPA) est une Organisation de Solidarité Internationale créée en 2006 et dont la vocation est d’intervenir en appui technique et financier auprès d’initiatives et d’acteurs locaux. Parmi ses nombreuses réalisations on peut en citer 2 qui ont vu le jour au Bénin en 2016 :

  • Pour la Protection de la forêt de la Lama au Bénin : Fourniture de 4 270 repas pour un centre de recueil d’enfants maltraités
  • Pour la Protection du parc de la Pendjari : Acquisition de 3 hectares de terrain en vue de la conservation des espaces naturels / Création d’une activité de maraîchage / Création d’une activité d’agroforesterie
  • En cours de réalisation et en partenariat avec l’association locale Ecodec, il y a la construction d’une ferme école au Bénin, dans la région de Tanguiéta. [4]

En fin de compte, si dans l’ensemble Les capucines du street art agrègent des œuvres de niveaux différents, on retrouve bien l‘esprit d’un parcours à découvrir, similaire au concept d’autres événements passés ( Rehab2 ; le Lab 14). D’ailleurs, on y recroise aussi plusieurs noms d’artistes qui étaient intervenus sur les murs et avaient présenté leur travail.

Ici, l’espace est plus confiné, plus froid aussi. Néanmoins, il est agréable de voir ce genre d’événement dans ce quartier plutôt réputé pour des manifestations culturelles plus élitistes. Qui plus est, ça fait du bien de constater que l’intérêt porté à l’art urbain est grandissant et que des institutions comme AXA IM – Real Assets y apportent désormais leur contribution en termes de logistique et de mise à disposition d’espaces qui servent le projet des artistes.

Enfin, la portée caritative qui s’est ajoutée au projet ne fait que renforcer ma motivation pour inciter le maximum de gens à aller sur place pour découvrir cet événement. Foncez, il reste 5 jours !

Vilédé GNANVO

Liste des artistes ayant participé au projet

Cannibal Letters ; K-litystreet ; Wuze , Banga, Caligr Oner ; Christophe Violland ; Cosby ; Cost TPK ; Cromz ; Dante ; Dem Dillon ; Djalouz ; Doudou Style ; Furious Five ; Kal Dea ; Hakic ; Kay One ; Mg La Bomba ; Morne ; Oker ; OnePesca ; Piman ; Pimax ; San One ; Sainte-Faust ; Sheik ; Softtwix ; Solak ; Sonac ; Manu Ibrahim ;Tempo NOK

Pour plus d’informations :

« Les Capucines du Street Art » sont ouverts du 17 au 26 novembre 2017.
25 / 29 boulevard des Capucines 75002 PARIS
Entrée libre et gratuite . Horaires d’ouverture : De 18 heures à 22 heures du lundi au vendredi. / De 10 heures à 20 heures le samedi et dimanche.

Expo « Between walls » de SETH : l’antre de deux mondes

Expo « Between walls » de SETH : l’antre de deux mondes

 

Il y a des expos dans lesquelles on se sent tellement bien qu’on a envie d’y rester. On veut se fondre dans les toiles, on souhaiterait être le résultat de la création l’artiste.

À chaque fois que je vois une œuvre de Seth, que ce soit une fresque murale ou une installation en galerie, j’ai cette sensation-là. Je jalouse ses personnages. Mais je sais que loin de l’esthétique qui ressort de sa technique de peinture, leurs histoires ne sont pas forcément enviables. Car derrière ces innocences juvéniles, ce sont souvent des lieux chaotiques qui servent de décor à l’exploration de l’artiste.

SETH

Né à Paris en 1972, l’artiste Julien Malland commence à peindre dans les années quatre-vingt-dix des personnages sur les murs du XXe arrondissement sous le nom de Seth .

À partir de 2003, il parcourt le monde dans l’intention d’échanger avec d’autres artistes urbains. Il veut susciter un dialogue entre les différentes cultures et s’ouvrir à de nouvelles pratiques de création dans l’espace public. C’est l’un des street artistes français les plus voyageurs, il concilie les deux passions, c’est Seth Globe-painter .

Entre technique d’expression moderne et représentation traditionnelle, il transforme des façades ordinaires avec des fresques géantes qui accrochent le regard.

Il reproduit souvent des enfants du monde entier, imaginés dans des espaces hors de toute pesanteur ou très délimités, et dont les visages sont aspirés dans des cercles aux couleurs de l‘arc-en-ciel.

Bambin en short : Fresque par SETH à Paris - ©No Fake In My News

Avec l’exposition « Between walls » qu’il nous présente à la Galerie Itinérance, on est invité dans un monde qu’on se plaît à imaginer. Dès l’entrée de la galerie, on sent qu’on rentrera dans un environnement propice à la réflexion, voire à une réelle introspection.

Enter the vortex par SETH - acrylique et aérosol -Expo « Between walls » 2017 - ©No Fake In My News

À l’intérieur, il y a près d’une trentaine d’œuvres (installations, peintures et sculptures) et on retrouve l’univers de l’artiste : de la poésie, des enfants et aussi des livres comme outils d’accès à la connaissance. On ressent le souci de susciter la créativité des enfants par l’éveil à l’art. L’éducation, la culture et le savoir élèvent les esprits et pourraient leur permettre de sortir des zones socialement vulnérables dans lesquelles ils sont. Ils traverseront symboliquement ainsi les murs pour aller voir de l’autre côté.

L’artiste est socialement engagé et impliqué dans des causes : ça se ressent. Il s’investit partout où la promotion de l’éducation peut provoquer la curiosité et élargir la vision du monde des enfants. Car on le sait, un esprit créatif peut se révéler un contre-pouvoir à la violence. Par l’imagination il peut trouver une sorte d’échappatoire et ouvrir son esprit sur un autre ailleurs. [1]

L’artiste pousse également à la réflexion sur des sujets universels : la solitude, l’enfermement, le désœuvrement de certaines populations nées au mauvais endroit, au mauvais moment. On devine bien à l’attitude et aux postures physiques des enfants que leurs vies ont été soumises à rudes épreuves.

Bien qu’il nous laisse libre de mettre le visage qu’on veut sur ces personnages, le voyage qu’il nous propose ici pourrait tout aussi bien être le nôtre. Une aventure humaine dans laquelle on se reconnaîtrait avec l’espoir qui semble toujours au bout. Chez lui, le plafond de verre n’a pas de raison d’être. Même en zones difficiles, il y a une lueur potentielle.

En plus des 25 toiles préparées exclusivement pour cet événement, il y a une série de sculptures, résultat d’un an de travail pour l’artiste. Elles retranscrivent en volume l’univers qu’il déploie depuis quelques années et nous permettent de plonger dans un imaginaire poétique. [2]

Dans son univers, j’ai pour ma part plongé sans aucune difficulté. J’avais déjà eu la chance de rentrer dans sa tête à au MAC Lyon en septembre 2016 à l‘occasion de l’expo Wall Drawings, Icônes urbaines . Dans l’installation qu’il avait faite, on retrouvait des autoportraits sans portraits via l’affichage de 1000 dessins d’enfants du monde entier. J’y avais vu des témoignages de gens que l’artiste enrichi des rencontres de ses voyages nous transmettait par son art.

Moi dans "IN my head" au MAC Lyon en 2016 - ©No Fake In My News

Ici, à Lyon ou dans toute son œuvre, le choix des enfants fait appel à la part d’innocence qu’il y a en chacun de nous et invite à réfléchir sur quelque chose d’universel que tout le monde peut saisir. Objectif atteint !

Vilédé GNANVO .

Informations pratiques :

Pour en savoir plus sur l’artiste : Seth

L’exposition « BETWEEN WALLS » est en cours jusqu’au 9 décembre 2017 à la Galerie Itinerrance
24bis Boulevard du Général Jean Simon 75013 Paris; 
Ouvert du mardi au samedi de 12 heures à 19 heures

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