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Urban Art Fair : 4 petits jours et puis s’en va?

Urban Art Fair : 4 petits jours et puis s’en va?

 

L’Urban Art Fair, ( la première foire internationale dédiée à l’art urbain ) était certainement attendue de pied ferme par les amateurs d’art compte tenu du succès de la première édition en 2016 qui a attiré près de 20 000 visiteurs [1].

Pour sa deuxième édition parisienne au Carreau du temple, elle a accueilli une trentaine d’exposants représentants un peu plus de 200 artistes, avec pour nouveauté cette année un spécial hors les murs – Cannot Be Bo(a)rdered – dédié au skate art. L’aspect cosmopolite est à nouveau présent avec plusieurs galeries internationales.

Tout au long de ces 4 journées, simples amateurs ou passionnés d’art ont eu l’occasion de rentrer dans des univers différents : expositions, rencontre avec des artistes ou galeristes, projections de films sans oublier des performances et bien sûr la vente de tableaux. Chacun cherche quelque chose de particulier dans la pluralité qui caractérise cet art.

Dès mon arrivée, j’aperçois sur les murs à l’extérieur juste en face du lieu de la manifestation, les œuvres « rosées » de l’artiste Ardiff et du collectif Le Mouvement.

Flamand rose de l'artiste Ardif - Urban Art Fair 2017 - ©No Fake In My News

 

Il fait beau, il n’y a pas encore de longue file d’attente, je sens que je vais passer un bon moment…

Me voici donc au Carreau du Temple ce jeudi 20 avril 2017 arpentant pour la première fois les allées de cette édition. Y sont présentes de nombreuses galeries renommées, spécialisées dans l’art contemporain urbain. C’est le cas de la galerie du jour agnes b. pionnière dans le repérage de nouveaux talents [2]. Mais on remarque aussi d’autres galeries qui se sont positionnées plus récemment sur ce secteur, comme Art in The Game ou encore Artistik rezo du collectionneur et passionné d’art Nicolas Laugero Lasserre qui a ouvert en octobre 2016 le premier musée du street art en France dans les murs de l’école 42.

L’art urbain ici exposé permet de découvrir tout un panel d’artistes différents. Pas étonnant que l’événement se déroule dans ce lieu culturel, ancien marché couvert entièrement restauré, aujourd’hui dédié aux modes de vies et usages urbains. D’ailleurs, si le terme « art urbain » a supplanté son homonyme « street art » plus péjorativement connoté « mouvement de protestation », c’est qu’il agrège de nos jours beaucoup d’artistes longtemps réticents à entrer dans des cercles plus académiques comme les musées, galeries ou les maisons de vente.

Mais c’est aussi le fait du professionnalisme qui a touché le secteur. Nul doute que la notoriété de l’art urbain atteint chaque année un niveau que de nombreux autres domaines lui envieraient. Désormais son but c’est de voir comment être un levier de développement économique palpable. Et pour y parvenir, tous les acteurs du secteur se donnent les moyens pour qu’il ait la visibilité nécessaire.

Pour les artistes, les réseaux sociaux deviennent des outils efficaces pour assurer leur « personnal branding » et ça marche. Certains voient leur cote exploser. Les salles de vente de réalisent des records en enchères. La branche dédiée à l’art urbain de la maison Artcurial affiche de très bons résultats comme le montrent les chiffres de l’infographie ci-dessous.

 

Chiffres Artcurial

 

La prochaine vente Urban Art d’Artcurial qui aura lieu dans demain à Paris proposera dans ses lots, des toiles de l’artiste JonOne avec des estimations pouvant dépasser les 10 000 euros [3].

Cette foire vue d’un côté plus mercantile peut donc être un très bon indicateur des valeurs ou nouveaux talents à suivre. Elle contribue sans doute à conforter Paris comme un lieu de référence incontournable du marché du street-art dont les marges de progression économiques sont non négligeables. De la même manière, cela renforce certaines galeries d’art urbain du 13 ème qui ne ménagent pas leur effort pour concrétiser dans cet arrondissement ( avec l’aide du maire ) le projet du musée à ciel ouvert, véritable argument touristique. Au delà du gain financier, c’est aussi révélateur de la volonté de démocratiser cet art encore tout jeune.

De nombreux artistes qui ornent les immenses murs du 13 ème ou du Val de Marne étaient représentés par les galeries d’art au Carreau du Temple. ( l’incontournable C215 ; Shepard Farey, Seth Globepainter, Janas & Js pour ne citer qu’eux ). J’en connaissais déjà certains mais je découvre aussi des noms et des œuvres totalement éloignés de ma sphère habituelle. Plein de choses me plaisent bien évidemment et j’ai tout le plaisir de me renseigner sur les techniques des artistes dont je me contente souvent de n’admirer que le résultat final. Ci dessous, trois œuvres (des artistes Jana & JsRIMECranio) parmi tant d’autres qui sont restées dans mon esprit une fois les 3 heures passés à l’intérieur.

 

 

L’événement se déroule également autour de différents concepts. Du côté du sous-sol sont présentées d’autres expositions dont une installation du collectif Le mouvement. Chacun peut avoir sa seconde de gloire en apposant un mot sur le mur collaboratif. Le contrat de participation prôné par ce collectif dont le concept fondateur est la rencontre improbable de personnalités issues d’univers différents est rempli.

Tableau collaboratif de Le Mouvement - Urban Art Fair 2017 - ©No Fake In My News

 

La première journée s’achève. Il y a déjà un peu plus de monde. Je sors de là ravie des heures passées.

Le lendemain vendredi 21 avril, place à [Cannot be bo(a)rdered], une exposition hors les murs présentée pour l’urban art fair à l’Espace Commines, à quelques rues du Carreau du temple. Elle est visible jusqu’au 7 mai 2017.

Organisateurs - Urban Art Fair 2017 - ©No Fake In My News

Cette année, l’Asie ( Singapour, Indonésie, Malaysie ) par le partenariat noué entre l’Urban Art Fair avec le Arts house Ltd est à l’honneur via un focus sur le skate art. Le skateboard ne se limite plus à la pratique sportive de rampes dans les parcs dédiés. Il investit l’art urbain qui s’en approprie laissant ainsi place à une imagination créative de la part de jeunes qui s’inspirent de leur quotidien. Cette nouvelle forme artistique de narration s’inscrit dans la volonté « d’inviter les visiteurs à dépasser les frontières établies pour comprendre l’univers de cette culture » importante pour la jeunesse contemporaine. Ici, ce sont une trentaines d’artistes qui sont venus illustrer la transmission de la culture urbaine de ce endroit du globe par le biais de cet art.

Ci-dessous, 3 installations ( des artistes Popok Tri Wahyudi , Asfi K, Azrin Mohammad ) parmi celles qui m’ont le plus marquées

La foire a continué jusqu’au dimanche 22 avril. Je regrette de n’avoir pu y aller les 2 derniers jours , surtout pour les performances live et les projection de films dédiés. Je suis ravie de voir à l’affiche le documentaire Sky is the limit de Jérome Thomas tout fraîchement auréolé du Prix du public au Festival Spray! Organisé par La manufacture111 et auquel j’avais assisté le 8 avril dernier.

L’art urbain étant par essence sans cesse renouvelé, il n’y a pas le temps d’avoir des regrets. Rendez-vous l’an prochain.

Vilédé GNANVO

Autres sources

[2] « Puisque l’art urbain a la cote »: Beaux arts magazine du 01/04/2017 . p144. [3] « L’art urbain prend du galon ». Bernard Geniès; Challenges du 20/04/2017. p 76

L’appel du street art

L’appel du street art

 

Le savez-vous ? La part de marché que représente le street art en France se situe autour de 100 millions d’euros [1] et [2]. Un chiffre qui ferait bien des envieux dans d’autres secteurs de l’économie française.

Avant de m’intéresser à cet art, j’étais loin de me douter de tout ce que cela recouvrait comme variétés, spécificités et richesses, même si j’y ai tout de suite décelé l’importance qu’avait la notion de partage.
Je ne soupçonnais pas le monde qui sépare l’artiste qui crée son œuvre spontanément dans un espace urbain, de celui qui dépose son art sur un mur à l’extérieur. J’ignorais tout du bombing, stencilart, throw-up, distorsion, sprayart, fresques, vandalisme … Ma connaissance se limitait à trois termes génériques : graffiti, tag et street art.

Depuis, j’ai fait du chemin, et j’ai même été surprise de constater que beaucoup d’artistes voulaient se distancier de l’appellation « street art ». Comme si cela avait une connotation trop propre, trop marketing, trop « fourre-tout », trop à la portée du premier venu…

La beauté réside dans les yeux de celui qui regarde.

Etant ce genre de premier venu, je n’ai pu faire l’impasse sur quelques questionnements.

  • Comment s’autoriser à juger l’art urbain alors qu’on n’a pas de background culturel du secteur?
  • En même temps, comment ne pas se sentir légitime à porter une appréciation sur une œuvre qu’on reçoit en pleine face sans l’avoir recherchée, parfois complètement à l’improviste au détour d’une ruelle, sur une façade d’immeuble ou à même le sol ?

Je n’ai pas encore de réponse à ces questions. Pour l’instant, je saisis par l’image des œuvres qui me plaisent et je les appose sur un mur virtuel , reflet de ce qui est jugé par mon regard comme étant esthétique. Peut-être est-ce une manière de reprendre du pouvoir sur le fait que justement cet art nous est parfois imposé malgré nous.

Je vois bien le problème qui s’est posé à certains, confrontés au mur affichant un pénis géant peint par l’artiste Bonom en Belgique. Face aux plaintes, la justice a tranché et plutôt que de s’embourber dans des débats incessants sur la liberté de création, elle a astucieusement argumenté du danger auquel pourraient être soumis les employés pour effacer l’œuvre perchée dans un recoin d’un mur sur les toits.

A ce débat, la France n’échappe pas et renvoie à son texte sur la loi de création. A côté de la liberté d’expression qui fait appel au discours d’opinion, il y a la liberté de création à laquelle personne n’a le droit d’entraver. Le législateur reste garant de cette liberté de chacun de créer même si pour certains, l’inspiration ou la conception de l’art réside dans la dégradation voire le vandalisme.

Et quand ce qui impulse l’artiste c’est l’adrénaline et la pression, l’illégalité devient une partie intégrante de son acte de créer. Alors dans ce cas de figure, pour lui, le droit ne se demande pas, il se prend . « Dès que le graffiti demande la permission, il se formate » [3]

Anamorphose du Collectif “Quiet Curious Guys” - L'Anamorphose Project 2017 - ©No Fake In My News

L’œuvre illégale n’est pas pour autant sans propriété. Son auteur demeure titulaire au regard du droit même si dans la pratique, la transformation numérique et l’explosion de l’usage des réseaux sociaux fragilisent quelque peu cette propriété intellectuelle.

L’artiste est embarqué dans la galère de son temps : Internet et les réseaux sociaux

Internet telle une vague entraîne tout le monde dans son élan, propulsant certains bien au-delà des frontières imaginées tout en réduisant d’autres à néant. Avec le numérique tout se décloisonne de plus en plus. Aujourd’hui, tout le monde a accès à toutes formes d’art. Il n’y a plus automatiquement de public cible pour chaque catégorie. Du coup, le problème de la compréhension de ce que veut dire l’artiste urbain peut se poser car inévitablement, les nouvelles technologies ont une grande influence sur sa pratique.

D’une part, l’interface numérique est une opportunité car elle permet de documenter les coulisses de la création des œuvres. Plus que jamais le souci de partage reprend le dessus. Internet a donc été le moyen pour les artistes de s’ouvrir sur d’autres terrains en plus du mural. Le net art s’est développé. Des artistes comme Benjamin Goulon revendiquent totalement leur appropriation de cet univers numérique comme espace de créativité et d’exploration technologique. Le net c’est aussi le lieu où l’artiste se définit lui-même, indexe son œuvre et se classe lui-même dans une sous-catégorie. Il n’a pas forcément besoin d’interlocuteur pour expliquer son art : juste une bonne catégorisation et des milliers de gens peuvent accéder à son univers.

D’un autre coté, certains artistes au contraire se sentent dépossédés de leur œuvre, voire trahis par la catégorisation dans laquelle ils sont mis. Un graffeur historique n’a pas spécialement envie de voir son œuvre hashtagué « street art » sur Instagram par un néophyte qui ne connait rien aux spécificités de sa pratique de création. Les réseaux sociaux dans ce sens ne servent pas toujours la culture de l’art urbain car comme partout ailleurs, c’est la course au plus grand nombre de followers. Certains algorithmes vont renforcer ou aliéner un artiste.

Enfin pour d’autres, il s’agit de savoir comment conserver et archiver des œuvres quand elles sont le fait d’anonymes ou issues du vandalisme. Grace à la géolocalisation, on observe à quel point le graffiti est une culture interactive car il se crée, se détruit, se fait recouvrir, se redétruit. Sa valeur intrinsèque réside dans son coté fugace. Mais cette nécessité d’archiver et de pérenniser ne va pas sans l’institutionnalisation d’un art qui depuis était éphémère et clandestin.

Du vandalisme au vendu

Street art - Photo issue de @urbanartfan

Le street art connait un véritable essor depuis plusieurs années. Désormais le marché de l’art contemporain le reconnait et l’intègre totalement. Les maisons de vente ( Pescheteau Badin ou Artcurial ) participent à son anoblissement en mettant à l’honneur les œuvres de ses artistes [4]. Vendues aux enchères, des créations artistiques qui en sont issues se permettent même le luxe de détrôner des œuvres sur le marché de l’art contemporain. Des galeries spécialisées se multiplient et en font un commerce pour promouvoir les artistes qu’ils suivent.

Cette expansion de l’art urbain va bien au-delà du simple univers des galeries. Un MBA special steet art a été créé en 2016. Paris vient d’ouvrir son premier musée dédié (Art 42 ) à l’intérieur de la novatrice Ecole 42. L’artiste ZEVS était récemment exposé au Château de Vincennes et a conçu sa création décalée tout autour de l’univers prestigieux d’un tel lieu.

Des centres commerciaux font des appels à projet pour dynamiser leurs espaces grâce à la création. Des efforts sont faits par des associations pour essayer de sédentariser des artistes autour de rendez-vous ponctuels ou de « murs » . En 2016 sur l’ensemble du territoire, 43 projets ont bénéficié d’une aide du Ministère de la Culture dans le cadre de l’appel à projets pour réalisation d’oeuvres de « street art » [5]. Des parcours sont créés , ainsi que des visites « street art » effectuées comme une sortie culturelle.

L’art urbain devient « vendeur ». Nombreuses sont les villes qui de nos jours le mettent en exergue comme argument touristique en pleine émergence. Tout le 13ème arrondissement parisien voit ses énormes façades recouvertes de fresques plus belles les unes que les autres. Les municipalités dans leur effort pour comprendre ce qu’il se passe mènent des politiques culturelles où le street art s’inscrit dans le budget de la culture ou celui du tourisme.

Pour arriver à cette démocratisation, il a fallu que les artistes eux mêmes s’adaptent à la nouvelle demande du public, qu’ils se professionnalisent en terme de marketing. Les plus connus collaborent avec les grandes marques. Non sans que cela fasse grincer des dents ceux qui estiment qu’on est loin de l’esprit vandal et que toute légitimité de se revendiquer street artiste s’en trouve réduite.

Hybridation Business / Street art

YES de ZEVS - Expo ZEVS Noir Eclair 2017- ©No Fake In My News

Désormais, l’artiste embrasse plus facilement des projets dont l’essence est la rencontre d’univers créatifs et marketing. Les marques n’hésitent plus à se servir du street art pour communiquer. Elles le voient comme un business rentable et hyper tendance. Pour le lancement de sa surface 3, Microsoft a fait appel à un street artiste de renom qui a géré un projet en collaboration avec d’autres artistes . « Intitulé “Designed on Surface”, le nouveau programme de Microsoft a été mis sous l’égide de Jasper Wong. A la tête d’une équipe de 17 artistes, le graphiste américain a mené une campagne qui consiste à réaliser des peintures murales à l’aide des nouvelles tablettes PC de la gamme Surface » [6].

Il faut dire que l’expansion du street art va de pair avec la résurgence du guerrilla marketing. Une réelle interaction se crée . La rue devient un espace plébiscité et adapté à la promotion ponctuelle d’un événement ou du lancement d’un produit. Même si le guérilla marketing n’est pas nouveau, il a connu ces dernières années un plus grand boom car les réseaux sociaux et l’information zapping permettent un relais bien plus adapté au message à faire passer. Tous ces acteurs veulent ainsi toucher directement le consommateur car les imbrications entre le numérique et le réel sont de plus en plus ténues [7].

Le street art prend pleinement sa place dans cette économie collaborative en quête de spontanéité, de vérité et de joie. Les mécènes commencent à s’y intéresser autrement que par le prisme du regard condescendant que pose le bourgeois sur le « tagueur des quartiers ». La rue culturelle n’a pas dit son dernier mot. L’art n’a pas de frontières.

Pour conclure, en aparté…

Artiste Jessy Monlouis Doudoustyle en plein travail au Lab 14 - ©No Fake In My News

Aujourd’hui, c’est le vernissage des installations au Lab14 , espace éphémère à Paris dédié au street art. La néophyte que je suis y a déjà fait un petit tour et n’a pas été déçue par l’esprit de partage tant revendiqué par les créateurs. J’y ai rencontré Doudoustyle , Photograffée et FKDL . Ils m’ont accordé du temps en plein travail, expliqué leur art. C’était un moment privilégié car je réalise que malgré leur talent, ils ne se perchent pas tout en haut en tant qu’artiste bobo . Ils sont fidèles à l’idée de partage.

C’est peut être cette singularité qui fera que cet art sera toujours riche tout en restant profondément humain malgré les tentatives de récupération de part et d’autre.

P.S : Pour vous donner une idée de ce que vous verrez au Lab 14, munie de votre appareil photo, voici la même œuvre de Marko-93.

Oeuvre de Marko-93 visible au Lab 14 - ©No Fake In My News

Vilédé GNANVO

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